La crise financière présente des opportunités et des risques pour l’innovation verte 25/06/2009 by Kaitlin Mara for Intellectual Property Watch Leave a Comment Share this:Click to share on Twitter (Opens in new window)Click to share on LinkedIn (Opens in new window)Click to share on Facebook (Opens in new window)Click to email this to a friend (Opens in new window)Click to print (Opens in new window)LAUSANNE – « Rien ne vaut une bonne crise », si l’on en croit la sagesse populaire. Voilà une formule que les décideurs pourraient reprendre pour inciter le monde à adopter une économie plus verte et davantage fondée sur la connaissance. Telle est la conclusion à laquelle a abouti un groupe de discussion à l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne (EFPL) le 17 juin. La crise financière actuelle et l’éveil des consciences vis-à-vis de la crise écologique sont l’opportunité unique pour l’innovation, notamment l’innovation verte, de prendre les devants de l’économie du futur. L’innovation est « un moyen unique de gérer la crise », a affirmé Dominique Foray, enseignant à l’EPFL, directeur de la Chaire en économie et management de l’innovation et vice-président d’un groupe d’économistes spécialistes de l’utilisation des connaissances pour la croissance. En parallèle, les entreprises ont besoin « d’incitations de poids» pour innover et développer des activités basées sur la recherche, le développement et l’innovation, a-t-il ajouté. Pour les décideurs, cela implique de réfléchir aux outils juridiques, comme les brevets, qui permettent de s’approprier ces innovations, ou aux subventions publiques. L’Europe a un rôle intéressant à jouer dans la manière dont l’économie mondiale pourrait se sortir de la crise actuelle. C’est particulièrement vrai en ce qui concerne la Suisse, un pays où le secteur de la recherche et du développement (R&D) tient une place particulièrement importante, mais reste extrêmement vulnérable aux fluctuations du marché financier, a confié M. Foray lors de l’évènement. Cependant, tout cela dépend en grande partie de l’importance et de la durée de l’actuelle récession, a expliqué le professeur Luc Soete, directeur du Centre de recherche et de formation économique et sociale de Maastricht pour l’innovation et la technologie de l’Université des Nations Unies (UNU-MERIT). Selon lui, quatre scénarios d’avenir sont possibles en fonction de la rapidité avec laquelle se fera la reprise économique et de la gravité de la récession. Le premier scénario part de l’hypothèse d’une reprise économique rapide (au cours des trois ou quatre prochains trimestres) et d’une récession modérée. Si le cas se produit, il pourrait n’y avoir aucun changement au niveau du fonctionnement de l’économie. Alors, les limites de la croissance durable se feront sentir dans la récurrence des crises, et les inégalités et l’exclusion sociale pourraient également être présentes. À l’inverse, dans l’hypothèse d’une reprise économique lente et d’une récession profonde, un véritable bouleversement pourrait avoir lieu. L’économie serait marquée par un chômage structurel prédominant (dû au fait que les qualifications de la main-d’œuvre ne sont pas adaptées aux besoins de l’économie) et par une grande mobilité de la main-d’œuvre ayant des compétences dans les nouvelles spécialisations émergentes. Les questions d’écologie gouverneraient la mondialisation. L’importance des questions environnementales et des nouvelles spécialisations ferait dévier la tendance naturelle à la compétitivité nationale fondée sur le progrès technologique vers une dynamique mondiale de diffusion des connaissances. La nature même de l’innovation pourrait aussi changer. D’après M. Soete, la crise financière actuelle illustre la « non durabilité » du processus d’innovation prédominant, qui veut que l’amélioration du produit vise à accroître sa qualité et que le marketing soit axé sur les consommateurs aisés. Le marasme économique a permis de mettre en lumière « le caractère ostensible d’une grande partie de la demande de ces consommateurs », qui achètent des produits extrêmement chers dont ils n’ont pas besoin, comme une montre qui résiste à l’eau jusqu’à 50 mètres de profondeur. Avec la crise, l’intérêt va se porter sur des consommateurs d’un autre type, poursuit-il. Car les marchés susceptibles de se développer ne sont pas ceux des produits de luxe ; ils se situent dans les zones où les revenus sont faibles et où le besoin (et les acheteurs potentiels) est plus important. Parce que ces zones manquent généralement d’infrastructures, parce que les consommateurs potentiels sont généralement peu diplômés, et enfin parce que les réparateurs ne sont probablement pas nombreux, l’autonomie, la simplicité et la durabilité d’utilisation vont devenir des arguments critiques pour faire vendre. Ces caractéristiques finiront par profiter également aux habitants des pays développés, mais un lourd investissement dans le développement du savoir va s’avérer nécessaire. L’accès au savoir au niveau mondial et la crise Les mesures politiques devront se concentrer davantage sur le transfert de technologie et l’accès aux connaissances, a expliqué M. Soete. Internet a également permis de mettre les consommateurs sur un pied d’égalité. Ainsi, la population « pourrait bien devenir l’indicateur d’opportunité de marché » au détriment des revenus, ce qui signifierait pour les pays de l’Union européenne la fin du monopole de la demande d’innovation. « Il est surprenant de constater que nous persistons à parler en termes nationaux » alors que « l’accès mondial aux connaissances est crucial dans le contexte de la crise actuelle », a-t-il ajouté. Pour que les pays en développement progressent, ils ont besoin de la technologie. Or leur essor est dans l’intérêt des pays développés qui ont besoin d’accéder à ces nouveaux marchés ». Tel est le principal défi des politiques dans le domaine de la technologie et de l’innovation : passer de la concurrence nationale à une nouvelle perspective mondiale de l’accès, de la diffusion et de l’usage effectif, a conclu M. Soete. Un membre de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement durable qui assistait à la rencontre a rappelé que l’essor de la technologie dépendait généralement du contexte. Ainsi, ce qui est développé au Nord et soumis à une forte protection des droits de propriété intellectuelle peut s’avérer inutile et difficile à diffuser dans le Sud. John Harwell, un consultant qui travaille sur le sujet depuis 30 ans, rappelle qu’il est nécessaire de garder à l’esprit que l’innovation ne doit pas être jugée comme étant a priori acceptable ou non au sein de la société. Le projet OLPC (de One Laptop Per Child, un ordinateur par enfant), qui à l’origine souhaitait s’attaquer à un problème rencontré par les pays du Sud, a finalement entraîné une révolution dans le domaine des ordinateurs bon marché au Nord. L’agence américaine en charge de la recherche et du développement des nouvelles technologies à usage militaire, (Defense Advanced Research Projects Agency, DARPA), qui a crée le squelette d’Internet, travaillait à l’origine sur une technologie militaire. Enfin, la vidéo en continu, aujourd’hui au centre des technologies de la communication, a trouvé sa source dans la pornographie. La technologie qui est développée pour une utilisation précise peut ainsi souvent en trouver d’autres. La R&D va-t-elle sortir le monde de la crise financière ? Selon Bronwyn Hall, professeur à l’Université de Californie à Berkeley et membre d’UNU-MERIT, tout miser sur le lien entre la R&D et une économie florissante serait une erreur. Lorsqu’elle a présenté des données tirées d’une série de rapports édités par Booz Allen Hamilton, une société de consultants basée à Washington DC, selon lesquelles les dépenses en R&D n’entraînent pas forcément un épanouissement de l’économie, Mme Hall a fait savoir qu’il en ressortait avant tout que « la R&D ne parvient pas à augmenter le rendement ». La chose se complique lorsque l’on analyse les données, a-t-elle ajouté. Il y a « beaucoup d’informations parasites » dues à d’autres facteurs qui peuvent ne pas donner une vision claire de l’importance de la R&D. De plus, les données s’avèrent être complexes à étudier. La seule chose qui est sûre, cependant, est que les plus petites entreprises tendent à investir de manière procyclique, c’est-à-dire seulement lorsque l’économie est forte. Pour les structures de plus grande taille, l’investissement dans la R&D est souvent contracyclique, augmentant même en cas de crise économique, ce qui indique que ces dernières ont la capacité de surmonter les pertes financières tout en maintenant leurs dépenses pour l’innovation. Les décideurs en concluront que les disponibilités sont une contrainte réelle pour les petites entreprises dans un contexte de baisse économique. L’importance du talent créatif est prépondérante, a déclaré Xavier Comtesse, directeur d’Avenir Suisse, un groupe de réflexion économique. « Recruter les meilleurs dans le domaine de l’innovation, de la science et de la finance est l’objectif que s’est fixé la Suisse », a-t-il expliqué. Il a cependant annoncé que la Suisse maintiendrait comme priorité les investissements engagés dans la R&D dans le domaine de la santé plutôt que de se tourner vers la technologie environnementale, étant donné que la santé a fait ses preuves au niveau national. Traduit de l’anglais par Griselda Jung Share this:Click to share on Twitter (Opens in new window)Click to share on LinkedIn (Opens in new window)Click to share on Facebook (Opens in new window)Click to email this to a friend (Opens in new window)Click to print (Opens in new window) Related Kaitlin Mara may be reached at kmara@ip-watch.ch.Avec le soutien de l'Organisation internationale de la Francophonie."La crise financière présente des opportunités et des risques pour l’innovation verte" by Intellectual Property Watch is licensed under a Creative Commons Attribution-NonCommercial-ShareAlike 4.0 International License.