Harmonisation du droit des brevets et politiques de l’OMPI: rapport révélateur sur la stratégie des pays développés 20/11/2006 by Tove Iren S. Gerhardsen for Intellectual Property Watch Leave a Comment Share this:Click to share on Twitter (Opens in new window)Click to share on LinkedIn (Opens in new window)Click to share on Facebook (Opens in new window)Click to email this to a friend (Opens in new window)Click to print (Opens in new window)By Tove Iren S. Gerhardsen and William New Le rapport d’une réunion du groupe des pays développé de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) qui s’est tenue en septembre dévoile la stratégie cachée du groupe sur des thématiques telles que l’harmonisation du droit des brevets, le plan d’action pour le développement de l’OMPI et la gouvernance de l’organisation. Il est par ailleurs question d’un projet de traité sur l’harmonisation du droit des brevets. En octobre, l’Assemblée générale de l’OMPI a décidé de prolonger d’une année supplémentaire les discussions relatives à la proposition d’un plan d’action pour le développement, né d’un appel lancé par les pays en développement pour une meilleure intégration des problématiques de développement au sein de l’OMPI, avec la tenue de deux sessions de cinq jours en 2007 (IPW Monthly Reporter, Vol. 3, N° 10, octobre 2006). Or dans les coulisses, une autre stratégie se trame : le rapport confidentiel d’une réunion qui s’est tenue la veille de l’Assemblée générale, auquel Intellectual Property Watch a pu avoir accès, révèle l’intention des pays développés de limiter la portée du plan d’action et d’user de leur force de persuasion pour gagner le soutien des pays en développement. Les pays développés sont regroupés à l’OMPI au sein du groupe B, ou B+ en incluant quelques autres pays représentés à l’Office européen des brevets. Le rapport fait notamment état des propos du président (britannique) de la réunion concernant un accord auquel seraient parvenus les pays développés dans le cadre d’un précédent groupe de travail, selon lequel les discussions relatives au plan d’action ne devaient pas se prolonger indéfiniment. Les stratégies suivantes ressortent du rapport : approche ciblée par groupes de projet, consultations régionales et coordination et poursuite des activités bilatérales. Le président a spécifiquement demandé à ce que les représentants des pays développés s’engagent pour gagner le soutien des pays en développement. «Nous devrons discuter avec nos contacts du groupe africain et du groupe des pays d’Asie, le GRULAC [Groupe des pays d’Amérique latine et des Caraïbes] étant plus difficile pour la plupart d’entre nous, afin d’envisager des possibilités d’orienter le débat général vers des solutions pratiques à court terme», a résumé le président, selon le rapport. Le président a souligné l’aspect politique des discussions relatives au plan d’action pour le développement. Bien qu’un débat ouvert ne soit pas acceptable, «il a été admis que le processus du PCDA (Comité provisoire sur les propositions relatives à un plan d’action de l’OMPI pour le développement) ne devait pas être stoppé, car il est politiquement important que le groupe B+ ne soit pas montré du doigt». L’idée était de chercher à définir le mandat du comité en intégrant les propositions du secrétariat et celle du Kirghizstan (qui avait formulé une proposition allant dans le sens des pays développés) et d’essayer d’atteindre des objectifs faisables, à court terme. «Il était clair pour tout le monde que certains groupes de pays en développement souhaitent et nécessitent des aboutissements à court terme», a expliqué le président, ajoutant que des réunions devraient se tenir chaque matin pendant la session de l’Assemblée, de manière à s’informer mutuellement des avancées pour l’obtention du soutien des pays en développement, en particulier des pays africains. Le «groupe le plus difficile» à convaincre sera l’Amérique latine et les Caraïbes, a déclaré un membre. Stratégie du groupe B+ sur la gouvernance de l’OMPI, l’IGC et la radiodiffusion Le rapport du mois de septembre fait par ailleurs état de la stratégie du groupe sur d’autres thématiques essentielles de l’OMPI. En ce qui concerne le Comité intergouvernemental de la propriété intellectuelle relative aux ressources génétiques, aux savoirs traditionnels et au folklore (IGC), l’objectif était de maintenir le mandat de deux ans défini par l’Assemblée générale 2005. Pour ce qui est du projet de traité sur la radiodiffusion, le rapport révèle que plusieurs membres «feront en sorte que la conférence diplomatique ne se déroule pas sans quelques difficultés cette semaine». En fin de compte, il a été convenu d’ajourner la conférence diplomatique, ou toute autre négociation de haut rang sur le traité, à fin 2007, une fois que d’autres réunions et une autre Assemblée générale auront eu lieu. En ce qui concerne la gouvernance de l’OMPI, le groupe a démontré un vif intérêt pour les nouvelles structures destinées à améliorer le fonctionnement de l’OMPI, à savoir le nouveau Comité d’audit, le rapport du Corps commun d’inspection de l’année passée, et l’évaluation «bureau par bureau» qui, selon le groupe, devrait commencer «au sommet de l’organisation». L’objectif est de «définir des responsabilités et des structures au sommet de manière à agir directement à ce niveau lors de la prochaine série de recrutements”, prévue pour 2009. Le président a par ailleurs rappelé que beaucoup de membres n’avaient pas adopté la clause limitant à deux mandats l’exercice des fonctions de directeur général de l’OMPI. Le Japon a souligné la singularité de l’OMPI par rapport aux autres agences de l’ONU du fait que 80 % de ses revenus est lié au Traité de coopération en matière de brevets. La crainte est que «le nombre de demandes PCT des pays développés comme des pays en développement ne cesse d’augmenter», ce qui, d’après le représentant japonais pourrait faire «exploser le budget de l’OMPI si l’on ne surveille pas de près les dépenses». Projet de traité d’harmonisation du droit des brevets Les membres des pays développés ont élaboré un projet de traité d’harmonisation du droit des brevets, qui fera l’objet de négociations hors OMPI dans l’espoir de parvenir à aplanir des différences de pratiques nationales et régionales fondamentales. Mais bien que la plupart des pays prétendent avoir la volonté politique de changer leurs lois, le projet de texte obtenu et publié par Intellectual Property Watch fait état de différences importantes. Les négociations relatives au projet de traité progressent rapidement et seront poursuivies à l’occasion de la réunion du groupe B+ qui se tiendra les 20 et 21 novembre à Tokyo, d’après le rapport confidentiel. Etabli par le Royaume Uni et basé sur plusieurs documents préexistants, le texte du projet de traité laisse transparaître que des efforts doivent encore être entrepris pour que les membres du groupe B+ parviennent à un accord. La structure du groupe est calquée sur celle de l’OMPI, où les pays développés agissent collectivement au sein du groupe B, en collaboration avec d’autres pays représentés à l’Office européen des brevets. A ce stade, le texte est moins un projet de traité qu’un document de travail. Il contient le texte préliminaire ainsi que des notes sur chaque section et répond à l’appellation de «proposition du président». [Note: plus de détails sur le rapport de la réunion relative à l’harmonisation du droit des brevets et sur le projet de traité sur www.ip-watch.org, 6-7 novembre 2006] L’une des questions épineuses du projet porte sur la proposition d’intégrer une clause relative à l’adoption du principe du «premier déposant», assorti d’un certain nombre de conditions possibles. Comme chacun sait, le principe du premier déposant n’est pas la pratique la plus répandue aux Etats-Unis. A ce titre, les Etats-Unis ont exprimé des inquiétudes à ce sujet lors de la réunion du mois de septembre, bien qu’une certaine tendance se dessine dans le pays pour que la règle change. Le projet de traité comporte également des sections sur l’état de la technique («toute information qui a été rendue accessible au public avant le dépôt de la demande sous quelle que forme que ce soit, où que ce soit»), l’accessibilité au public, l’état de la technique sans conséquence sur la brevetabilité (délai de grâce), le droit dérivé d’une possession personnelle antérieure (usager antérieur), les conditions de brevetabilité, les éléments de l’état de la technique, l’évaluation de la nouveauté, et l’évaluation de l’activité inventive / non-évidence. D’après le même rapport, l’Union européenne aurait formulé des craintes au sujet des dispositions relatives à «l’état de la technique tenu secret» (le contenu de l’état de la technique tenu secret étant défini comme le contenu de la demande à la date de dépôt) et à l’exception en cas d’identité de déposants ou d’inventeurs (selon laquelle un seul brevet ne peut être accordé à une personne ayant déposé deux demandes concurrentes). Le projet semble retenir la règle du délai de grâce, bien que cette pratique ne soit pas appliquée sous la même forme en Europe. En septembre, l’Australie a exprimé quelques doutes concernant l’harmonisation de «l’utilisation de droits antérieurs». L’objectif ultime semble être de catalyser le débat gelé sur l’harmonisation du droit des brevets à l’OMPI, au sein du Comité permanent du droit des brevets (SCP). Le rapport cite le président à ce sujet : «Nous essayons, dans le cadre du groupe de travail B+, d’adopter une position permettant de relancer le débat à l’OMPI». La Suisse et l’Union européenne ont également formulé cet objectif de reprendre la discussion à l’OMPI. Le Japon s’est également montré particulièrement préoccupé par l’impasse des discussions à l’OMPI. «Je pense que l’OMPI est encore plus gravement malade que l’OMC», a déclaré un représentant japonais, se référant à la paralysie des négociations à l’Organisation mondiale du commerce. «La paralysie dure depuis plus de vingt ans. La raison d’être de l’OMPI est sérieusement en question.» Le Japon a ajouté que la qualité et la mise en application des brevets devraient être les prochaines thématiques à aborder, après l’harmonisation du droit des brevets. Puis, à l’occasion d’une discussion sur la gouvernance de l’OMPI, le Japon a fait remarqué qu’«il serait grand temps que l’état d’esprit du directeur général et du personnel des bureaux de l’OMPI change», toujours selon le rapport confidentiel. Maintenir le SCP en activité mais plus de «déclamations» L’Assemblée générale de l’OMPI a décidé d’immobiliser le débat sur l’harmonisation du droit des brevets au sein du SCP en 2007. Des pays tels que les Etats-Unis souhaitaient éviter d’assister à des débats analogues à celui du forum à participation non limitée sur le projet de traité sur le droit matériel des brevets (SPLT) de mars 2006. D’après le rapport, les Etats-Unis ont déploré l’absence de débat constructif, déclarant que «les discussions étaient uniquement axées sur des procédés rhétoriques négatifs». Le représentant australien a appuyé la déclaration des Etats-Unis en parlant d’une «sorte de déclamation politique unilatérale en vague lien avec la thématique des brevets». En revanche, concernant la proposition des Etats-Unis, il a été suggéré de développer les thématiques abordées dans le cadre de la série de conférences qui s’est tenue à l’OMPI. Le président britannique a précisé que le SCP pouvait rester en première ligne en «collant l’étiquette SCP» sur le programme de conférences. Share this:Click to share on Twitter (Opens in new window)Click to share on LinkedIn (Opens in new window)Click to share on Facebook (Opens in new window)Click to email this to a friend (Opens in new window)Click to print (Opens in new window) Related "Harmonisation du droit des brevets et politiques de l’OMPI: rapport révélateur sur la stratégie des pays développés" by Intellectual Property Watch is licensed under a Creative Commons Attribution-NonCommercial-ShareAlike 4.0 International License.