En finir avec l’accès aux ressources génétiques sans autorisation (c’est-à-dire avec la biopiraterie): « l’ouverture limitée » 12/06/2018 by Intellectual Property Watch 1 Comment Share this:Click to share on Twitter (Opens in new window)Click to share on LinkedIn (Opens in new window)Click to share on Facebook (Opens in new window)Click to email this to a friend (Opens in new window)Click to print (Opens in new window) The views expressed in this article are solely those of the authors and are not associated with Intellectual Property Watch. IP-Watch expressly disclaims and refuses any responsibility or liability for the content, style or form of any posts made to this forum, which remain solely the responsibility of their authors. Joseph Henry Vogel est Professeur d’économie à l’Université de Porto Rico-Río Piedras, Manuel Ruiz Muller est avocat environnementaliste, membre de la Société péruvienne du droit de l’environnement, Klaus Angerer est Maître de conférences à l’Université Justus-Liebig Giessen et Omar Oduardo-Sierra est récemment diplômé, en linguistique, de l’Université de Porto Rico-Río Piedras. L’adresse électronique à utiliser pour la correspondance est la suivante: josephvogel@usa.net. La traduction française a été réalisée par Nicolas Pauchard et révisée par Patrick-André Mather. L’ « accès aux ressources génétiques » et le « partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation » s’est révelé un véritable casse-tête pour l’ensemble des 13 Conférences des Parties à la Convention des Nations Unies sur la Diversité Biologique (CDB). La formule, entre guillemets, qu’on désigne par l’acronyme « APA », se réfère au troisième objectif de la Convention, lequel est étroitement liée aux deux premiers, à savoir la conservation et l’utilisation durable de ces ressources. Malgré 25 années consécutives d’efforts et dans un contexte où le marché de la biotechnologie représente, annuellement, un trillion de dollars, peu d’accords APA ont été conclus jusqu’ici. Les bénéfices monétaires des quelques contrats existants sont si faibles que les contractants répugnent à les dévoiler. La « législation APA brésilienne » de 2015, qui est entrée en vigueur le 6 novembre 2017, permet par exemple d’offrir des royalties jusqu’à un dixième de pour cent du chiffre d’affaire [3]. Selon les termes d’un éminent juriste: « les usagers paient des cacachuètes pour se servir de la biodiversité » [4]. le portail web « Naked Mole-Rat Genome Resource » illustre un accès sans autorisation On attribue généralement la responsabilité de l’échec à instaurer de la justice et de l’équité aux gouvernements des Etats utilisateurs. Bien que la régulation de l’accès aux ressources génétiques domestiques puisse se révéler révèler laborieuse à mettre en place, la bureaucratie ne suffit pas à expliquer ces cacahuètes. La science économique, elle, le peut. Les ressources génétiques ne sont pas de la matière, mais de l’information, contrairement à la conception largement admise par les Etats parties à la CDB. La science économique montre que la concurrence fait descendre les prix jusqu’à n’importe quel niveau situé sous le coût marginal de production, que cela soit pour des biens matériels ou de l’information. Si, pour les premiers, ce mécanisme produit de l’efficacité, pour le second, il conduit à la faillite. Les économistes ont ainsi depuis longtemps justifié la propriété intellectuelle monopolistique comme un moyen juridique permettant de couvrir les coûts fixes de la création d’information artificielle [5]. L’argument analogue en faveur de l’information naturelle est la protection d’un oligopole, par l’article 10 du Protocole de Nagoya à la Convention [6], qui soutient un mécanisme multilatéral de partage des avantages. La biotechnologie illustre ces principes de l’économie de l’information. Les scientifiques peuvent s’engager dans des processus de recherche et développement, sans jamais avoir à entrer en contact avec une ressource génétique matérielle quelconque, ni même à révéler leurs activités [8]. Citons par exemple The Naked Mole Rat Genome Resource, [9] qui se vante de n’imposer « aucune restriction à l’utilisation de [leur] portail ou des données du génome ». Pour se soustraire à l’obligation de partage des avantages, les utilisateurs peuvent invoquer qu’aucun « matériel génétique » n’a été obtenu, pour autant que le terme « matériel » soit (incorrectement) interprété comme matière. Les fournisseurs insisteront toutefois sur le fait que « matériel » n’est pas synonyme de matière et que la séquence a simplement été désincarnée [10]. La réplique, prévisible, est aussi cynique que décourageante : quelle que soit la façon dont ces concepts sont interprétés, il suffit que le processus de désincarnation ait eu lieu au sein de l’une des deux non-Parties à la CDB, à savoir le Saint-Siège ou les États-Unis d’Amérique [11]. Pour les défenseurs de l’écologie, il n’y a cependant pas lieu de désespérer : « les séquences numériques d’information sur les ressources génétiques » occupent maintenant le coeur des débats au sein de la Conférence des Parties (COP), un système de type parlementaire qui discute des dispositions du traité cadre. Entre le 13 et le 16 février 2018, vingt-cinq experts se sont réunis au Secrétariat des Nations Unis pour la CDB, afin de débattre de la question, en préparation de la COP14, qui se tiendra du 10 au 22 novembre 2018 [12]. Après avoir détaillé les positions divergentes sur plusieurs pages, le rapport se conclut en suggérant que « l’ouverture limitée sur l’information naturelle pourrait mériter qu’on s’y attarde » [13]. En effet, la position du Groupe africain, qui consiste à remplacer « l’information sur les séquences numériques sur les ressources génétiques » par « information naturelle » et à renforcer l’APA, illustre un parrallèle évident avec l’ouverture limitée [14]. La vingt-deuxième réunion de l’Organe subsidiaire chargé de fournir des avis scientifiques, techniques et technologiques (OSASTT) se tiendra du 2 au 7 juillet 2018 et fournira ses recommandations pour la COP14. L’économie de l’information – la seule branche de la science économique pertinente dans ce domaine – éclairera-t-elle les acteurs de l’OSASTT ? Ou est-ce la stare decisis qui va prévaloir ? Cette règle de droit, exprimée en latin, signifie « s’en tenir à la décision », même si celle-ci est de toute évidence mauvaise ! Nommer les choses par leurs noms, tel est le conseil de E.O. Wilson, le célèbre naturaliste de Harvard [15]. Une fois que les ressources génétiques seront considérées comme de l’« information naturelle », la conséquence logique en termes d’action publique est l’ouverture limitée. Les ressources génétiques continueraient à circuler librement (l’ouverture) mais ne seraient plus gratuites (la limite). Les redevances perçues sur les droits de propriété intellectuelle obtenus sur la valeur ajoutée seraient perçues après l’utilisation, ex post. Les bénéfices récoltés seraient alors distribués aux pays d’origine, proportionnellement à l’habitat, ce qui permettrait d’atteindre l’équité et l’équité que les Parties invoquent depuis si longtemps. Qu’en est-il des situations où les ressources utilisées sont omniprésentes ou lorsque les sommes collectées sont trop faibles pour être distribuées ? Dans de tels cas, les bénéfices financeraient les infrastructures nécessaires au fonctionnement du système. Heureusement, ce qui est juste et équitable peut aussi être efficace. La biopiraterie peut prendre fin. [Note: translated from the English language article here.] [1] ten Brink P. Chapter 5: rewarding benefits through payments and markets. The economics of ecosystems and biodiversity for national and international policy makers. 2009: 34. Disponible à www.cbd.int/doc/case-studies/inc/cs-inc-teeb.Chapter%205- en.pdf. Consulté le 4 avril 2018. [2] Pauchard N. Access and benefit sharing under the Convention on Biological Diversity and its Protocol: what can some numbers tell us about the effectiveness of the regulatory regime » ? 2017; Resources 6(11). Disponible à l’URL suivante: http://www.mdpi.com/2079-9276/6/1/11/htm. Consulté le 4 avril 2018. [3] Brazil: Law No. 13.123 of May 20, 2015. Article 20. http://www.wipo.int/edocs/lexdocs/laws/pt/br/br161pt.pdf. See also Brown M. « New Brazilian law on genetic heritage gives one year companies to report on their past activities having used Brazilian heritage. » 7 December 2017. Disponible à l’URL suivante: https://www.lexology.com/library/detail.aspx?g=3f8fb766-b4f0-437d-80ee-ae2ee742f360. Consulté le 4 avril 2018. [4] Drahos P. Intellectual property, indigenous people and their knowledge; 2014. Cambridge University Press, Cambridge. [5] Samuelson PA and Nordhaus WD. ECONOMICS, 2010. McGraw-Hill Irwin, New York, 224. [6] Convention on Biological Diversity. Disponible à https://www.cbd.int/abs/. Consulté le 4 avril 2018. [7] Vogel JH. On the Silver Jubilee of ‘Intellectual property and information markets: preliminaries to a new conservation policy’ in MR Muller, Genetic resources as natural information: policy Implications for the Convention on Biological Diversity; 2015. Routledge, London,: xxi-xxv. Disponible à l’URL suivante: https://s3-us-west-2.amazonaws.com/tandfbis/rt-files/docs/9781138801943_foreword.pdf. Consulté le 4 avril 2018. [8] Oldham P. Global status and trends in intellectual property claims: genomics, proteomics and biotechnology; 2014. Submission to the Executive Secretariat of the CBD. CESAGEN, United Kingdom. Disponible à l’URL suivante: https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=1331514. Consulté le 4 avril 2018 [9] The Naked Mole-Rat Genome Resource. Disponible à l’URL suivante: http://naked-mole-rat.org. Consulté le 4 avril 2018. [10] Ministry of Foreign Affairs of Brazil – Environmental Division. Disponible à l’URL suivante: https://www.cbd.int/abs/DSI-views/Brazil-DSI.pdf. Consulté le 4 avril 2018. [11] UNCBD. List of Parties. Disponible à l’URL suivante: https://www.cbd.int/information/parties.shtml. Consulté le 4 avril 2018 [12] UNCBD. Disponible en https://www.cbd.int/doc/notifications/2017/ntf-2017-109-abs-en.pdf. Consulté le 4 avril 2018 [13] UNCBD. Report of the ad hoc Technical Expert Group on Digital Sequence Information on Genetic Resources. CBD/DSI/AHTEG/2018/1/4, 20 February 2018. Disponible à l’URL suivante: https://www.cbd.int/doc/c/4f53/a660/20273cadac313787b058a7b6/dsi-ahteg-2018-01-04-en.pdf. Consulté le 4 avril 2018 [14] UNCBD. Disponible à l’URL suivante: https://www.cbd.int/abs/DSI-views/Ethiopia-AU-DSI.pdf. Consulté le 4 avril 2018 [15] Wilson EO. Consilience; 1998. Knopf, New York, 4. Image Credits: Roman Klementschitz, Wien Share this:Click to share on Twitter (Opens in new window)Click to share on LinkedIn (Opens in new window)Click to share on Facebook (Opens in new window)Click to email this to a friend (Opens in new window)Click to print (Opens in new window) Related "En finir avec l’accès aux ressources génétiques sans autorisation (c’est-à-dire avec la biopiraterie): « l’ouverture limitée »" by Intellectual Property Watch is licensed under a Creative Commons Attribution-NonCommercial-ShareAlike 4.0 International License.
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