Protection des indications géographiques et biodiversité : la pression s’accentue 04/11/2008 by Catherine Saez, Intellectual Property Watch Leave a Comment Share this:Click to share on Twitter (Opens in new window)Click to share on LinkedIn (Opens in new window)Click to share on Facebook (Opens in new window)Click to email this to a friend (Opens in new window)Click to print (Opens in new window)Par Kaitlin Mara Les partisans d’une modification de l’Accord de l’OMC sur les droits de propriété intellectuelle ont clairement montré cette semaine qu’ils n’entendaient pas céder un pouce de terrain sur l’extension de la protection des indications géographiques et l’utilisation du système de brevet pour sauvegarder la biodiversité et les savoirs traditionnels. Parallèlement, les opposant à cette modification continuent de camper sur leurs positions. Pendant ce temps, l’OMC est en quête d’un nouveau responsable de la Division de la propriété intellectuelle. Une réunion du Conseil des aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (Conseil des ADPIC), l’organe chargé d’administrer l’Accord sur les ADPIC, a eu lieu le 29 octobre. Elle a été suivie, le 30 octobre, d’une session spéciale portant sur la création d’un registre des indications géographiques (noms de produits associés à un lieu et à certaines caractéristiques). Le transfert de technologie, la coopération technique et l’examen annuel du système de propriété intellectuelle de la Chine étaient parmi les principaux thèmes abordés lors de la réunion. Lors de la sessions spéciale, les discussions se sont transformées en un long débat sur la question de savoir si des avancées étaient possibles concernant la création d’un registre sans examiner en parallèle deux autres questions qui lui sont liées: la possibilité d’étendre la protection renforcée des indications géographiques (dont jouit notamment le Bordeaux) à des produits autres que les vins et les spiritueux (le jambon de Parme par exemple) et un projet d’amendement de l’Accord sur les ADPIC concernant la divulgation de l’origine des ressources génétiques. Dans le cadre de l’Accord sur les ADPIC, mandat a été donné au Conseil de négocier les modalités de création d’un registre multilatéral sur les indications géographique. La Déclaration ministérielle de Doha donne également mandat au Conseil des ADPIC « d’examiner la relation entre l’Accord sur les ADPIC et la Convention sur la diversité biologique (CDB) », d’où le projet d’amendement. Les coauteurs d’un document publié en juillet de cette année ont saisi l’occasion pour souligner l’intérêt d’examiner en parallèle la question de la création du Registre et les deux autres questions. Le document en question [pdf en anglais], intitulé « W/52 », définit un ensemble de règles de fond et de forme afin de que ces questions puissent être négociées sur la base de textes et appelle à ce qu’elles forment partie intégrante des négociations en cours dans le cadre du cycle de Doha sur la libéralisation du commerce. Les pays partisans de l’idée d’examiner en parallèle le rapprochement avec la CBD et la création d’un registre des indications géographiques ont indiqué, lors de la mini-réunion ministérielle organisée en juillet, que les questions de propriété intellectuelle faisaient partie d’un processus de négociations plus large. Après l’échec des négociations en juillet, lié à des désaccords sur l’agriculture, les Etats membres ont cherché des moyens de parvenir à un accord dans le cadre du cycle de négociations de Doha. Les déclarations faites cette semaine par les partisans de l’examen parallèle montrent qu’ils considèrent toujours ces questions comme un élément clé de succès dans le cadre des négociations de Doha. L’ambassadeur de la Barbade, Trevor Clarke, a été chargé de présider les sessions spéciales. Trevor Clarke entend concentrer les travaux des sessions spéciales sur le mandat défini par l’Accord sur les ADPIC, à savoir la création d’un registre des indications géographique, et organiser des réunion bilatérales et multilatérales afin de rapprocher les positions et de trouver un compromis. Il a déclaré à Intellectual Property Watch avoir déjà engagé des consultations bilatérales avec les Etats membre, lesquelles devraient se poursuivre dans les prochaines semaines. Des groupes plus larges seront alors consultés puis, l’ensemble des membres afin de garantir la transparence du processus, a-t-il ajouté. Selon Trevor Clarke, les Etats membres ont appelé à une intensification des négociations sur le registre des indications géographique et en particulier sur la question de la participation (volontaire ou obligatoire) à ce registre et de ses effets juridiques. D’autres instances devront être trouvées pour les discussions sur les autres questions relatives à la propriété intellectuelle, a précisé Trevor Clark pour qui le seul mandat confié aux sessions spéciales est d’examiner la possibilité de créer un registre des indications géographiques. Une réunion spéciale consacrée à la CBD et à l’extension des indications géographiques Un délégué de l’Union européenne a indiqué que la question de la création d’un registre sur les indications géographiques était liée aux deux autres et qu’il fallait, dès lors, les traiter ensemble. L’Union européenne, qui accorde une très grande importance à la protection des indications géographiques, s’est montrée « très souple » depuis 13 ans, date à laquelle le Conseil a reçu mandat d’examiner la possibilité de créer un tel registre, a indiqué un officiel. La proposition contenue dans le document W/52 représente un assouplissement des mesures de protection recherchées dans un premier temps par l’Union européenne au travers du registre. Ce document représente un jalon important, selon cet officiel, non seulement parce qu’il est soutenu par près des trois quarts des pays membres de l’Organisation, mais aussi parce qu’il constitue un compromis clé entre des groupes qui ne parvenaient pas à s’entendre. Il ne s’agit, a expliqué cet officiel, d’une coalition de pays partageant le même point de vue. Auparavant, seuls huit pays soutenaient à la fois l’idée de la création d’un registre des indications géographiques et d’un rapprochement avec les dispositions de la CBD, selon un représentant d’un autre Etat. Ce document est le résultat de « négociations difficiles » dans lesquelles chacun a dû faire des compromis par rapport à sa position initiale, a précisé l’officiel. En tant que tel, il représente un « consensus émergent » soutenu par une « masse critique » de pays, a-t-il ajouté. Les opposants « doivent admettre que nous devons trouver des solutions. » Le Brésil a pesé de tout son poids pour défendre l’idée d’un examen en parallèle de ces deux questions, selon une source. Les Etats-Unis, de leur côté, ont estimé qu’il existait un consensus sur la nécessité d’intensifier les travaux de la session spéciale, mais ils sont restées fermes sur le fait que le mandat confié au groupe portait uniquement sur la création d’un registre. Tout en soulignant leur volonté de renforcer le travail technique au sein du groupe spécial dans ce domaine, ils ont averti que toute tentative visant à conditionner les avancées sur cette question au règlement d’autres questions entraînerait « la mise en sommeil du processus », a déclaré un officiel. L’Argentine s’est également opposé à l’examen de questions autres que celles de la création du registre. Le groupe des pays en faveur d’un rapprochement avec la CBD gagne du poids Le Sri Lanka a officiellement soutenu, avec d’autres pays, un document plaidant pour la modification de l’Accord sur les ADPIC afin de mieux protéger la biodiversité et les savoirs traditionnels. Ce document [en anglais], publié en 2006, appelle à la divulgation de l’origine génétique des ressources ou des savoirs traditionnels dans les demandes de brevet et exige que les communautés propriétaires de ces ressources donne leur consentement préalable et éclairé et reçoivent une compensation équitable. Des modifications sont nécessaires, a précisé le représentant de l’Inde, le 29 octobre, lors de son intervention, afin de remédier à « l’incapacité de l’Accord sur les ADPIC de lutter contre la biopiraterie et l’appropriation illicite de ressources génétiques et de savoirs traditionnels. » Il a également fait part « de la déception de son pays devant le manque de progrès réalisés dans ce domaine malgré une aide massive dans le domaine technique. » Plus de la moitié des Etats membres de l’OMC, soit près de 80 pays, soutiennent les modifications concernant la biodiversité, parmi lesquels de nombreux pays en développement, ce qui rend la question particulièrement pertinente, selon le représentant de l’Inde, au regard de l’objectif de développement des négociations de Doha. L’Inde a également évoqué le document W/52 qui reflète l’opinion «d’un vaste échantillon de pays du point de vue géographique et social » et fournit « un baromètre de l’importance et de l’urgence attachée à ses questions. » Le transfert de technologies et la coopération technique restent des domaines clés Le Conseil des ADPIC a aussi longuement débattu des mesures prises par les pays développés pour favoriser le transfert de technologies, en application de l’Article 66.2 de l’Accord. Plusieurs pays ont soumis des rapports (IP/C/W/519) faisant état de leurs activités dans ce domaine. Le Lesotho a indiqué dans une intervention au nom du groupe des pays les moins développés que malgré les nombreux progrès réalisés, l’absence de mécanismes uniformes de rapports et de consensus sur les conséquences du transfert de technologies (et les mesures visant à le favoriser) n’était pas sans poser de problèmes. L’Article 66.2 de l’Accord sur les ADPIC est, selon ce qu’a indiqué le Lesotho, « essentiel pour permettre aux pays les moins avancés de tirer parti efficacement de la période de transition accordée à ses pays concernant les aspects des droits de propriété qui touchent au commerce. D’autant plus qu’elle est obligatoire pour les pays développés et a été créée avant tout pour les pays les moins développés (par opposition aux pays en développement en général). Dans son intervention, le représentant du Lesotho a défini le transfert de technologies comme incluant les biens matériels d’équipement, les compétences et le savoir-faire, ainsi que les informations et données. le transfert de technologies doit être effectué dans des « conditions commerciales imparfaites » et avec la même liberté que celle conférée par une licence sur une technologie breveté, a-t-il indiqué. «Sans cette capacité, a ajouté le représentant du Lesotho, nous ne pouvons renforcer nos capacités à l’échelle nationale afin de mettre en œuvre des activités commerciales en lien avec les technologies. » Dans son intervention, il a appelé à la mise en place de mécanismes clairs et uniformes de rapports afin d’évaluer l’application correcte de l’Article 66.2 et de garantir que ces mécanismes distinguent entre les technologies transférées aux pays en développement de celles bénéficiant aux pays les moins avancés. S’agissant de la coopération technique, l’Ouganda et la Sierra Leone, les premiers pays à avoir soumis un programme visant à répondre à leurs besoins prioritaires dans ce domaine, ont indiqué poursuivre la mise en oeuvre à l’échelle nationale de l’Accord sur les ADPIC (IPW, OMC/ADPIC, 19 juin 2008). La Sierra Leone a présenté au Conseil des ADPIC un projet de document détaillant la stratégie mise en œuvre dans le pays en matière de propriété intellectuelle. La Chine esquive les questions Lors de la réunion, la Chine à répondu aux questions concernant les progrès enregistrés dans son système de propriété intellectuelle. Dans le cadre du mécanisme d’examen transitoire par pays, un processus annuel prévu par l’accord d’adhésion de la Chine à l’OMC, plus de 80 questions au total lui ont été soumises par le Japon (IP/C/W/518), les Etats-Unis (IP/C/W/520), les Communautés européennes (IP/C/W/521) et le Canada (IP/C/W/524). Elles portaient principalement sur les marques de commerce, les indications géographiques, la mise en oeuvre et les droits d’auteur même si d’autres sujets sont venus à la discussion, notamment le piratage en ligne et la protection des données confidentielles (en particulier, une proposition de loi sur la sécurité dans le domaine des technologies de l’information qui pourrait nécessiter la divulgation d’informations essentielles du point de vue technique telles que le code source d’un logiciel). La Chine a rédigé un document (IP/C/W/525) [en anglais] présentant le détail des activités menées dans le cadre de la mise en oeuvre des droits de propriété intellectuelle, notamment des statistiques concernant les marchandises contrefaites confisquées et actions en justice et arrestations liées au non respect de la législation en vigueur. Elle a également fourni des réponses oralement lors de la réunion, mais a refusé de s’exprimer sur celles qu’elle considérait comme étant liée de trop près au différend qui l’oppose aux Etats-Unis, selon des sources. De son côté, le Vietnam, qui a rejoint l’OMC en 2007, a continué à répondre aux questions concernant la mise en oeuvre des obligations imposées par l’Accord sur les ADPIC. À la recherche d’un nouveau Directeur de la division de la propriété intellectuelle L’OMC cherche activement un nouveau Directeur de la Division de la propriété intellectuelle. L’avis de vacance [pdf] posté le 24 octobre sur son site Internet montre peu de changement avec les fonctions qu’occupait l’ancien directeur, Adrian Otten, qui a pris sa retraite l’été dernier après une longue carrière au cours de laquelle il a assisté à la création de l’OMC et aux négociations de 1994 sur les ADPIC. Son départ était l’occasion de redessiner la fonction. Le Secrétariat de l’OMC a examiné cette possibilité dans la cadre de la restructuration opérée récemment, mais il a finalement décider de ne pas la modifier. Les seuls changements apportés ont consisté à fusionner la Division de l’information et des relations avec les médias et la Division des relations extérieures et de rapprocher la Division du commerce et finances de celle de la facilitation des échanges, selon des sources de l’OMC. Le nouveau directeur sera chargé de toutes les questions relatives à la propriété intellectuelle au sein de l’OMC, des travaux concernant les marchés publics et des activités liées à la question générale du commerce et de la politique de la concurrence, comme le précise l’annonce. Sa tâche consistera à superviser les activités de coopération technique et de renforcement des capacités, contrôler le travail des organes chargés du règlement des différents dans les domaines relevant de la compétence de la Division et à assurer la liaison avec les organisations internationales, les ONG et les entités du secteur privé. Les candidatures internes et externes sont acceptées. L’intérim est assuré par Hannu Wager, de la Finlande. En 2009, les réunions du Conseil des ADPIC auront lieu les 3-4 mars, 8-9 juin et 27-28 octobre. William New a contribué à la rédaction de cet article. Traduit de l’anglais par Véronique Sauron Share this:Click to share on Twitter (Opens in new window)Click to share on LinkedIn (Opens in new window)Click to share on Facebook (Opens in new window)Click to email this to a friend (Opens in new window)Click to print (Opens in new window) Related "Protection des indications géographiques et biodiversité : la pression s’accentue" by Intellectual Property Watch is licensed under a Creative Commons Attribution-NonCommercial-ShareAlike 4.0 International License.