Traité sur la radiodiffusion dans l’impasse : l’OMPI reste malgré tout optimiste 20/07/2007 by Tove Iren S. Gerhardsen for Intellectual Property Watch Leave a Comment Share this:Click to share on Twitter (Opens in new window)Click to share on LinkedIn (Opens in new window)Click to share on Facebook (Opens in new window)Click to email this to a friend (Opens in new window)Click to print (Opens in new window)Par William New Les États membres de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle ont rejeté, en juin dernier, une proposition visant à engager des négociations officielles sur un traité relatif à la protection des droits des organismes de radiodiffusion et de distribution par câble. Ils ont par ailleurs recommandé de poursuivre les discussions au niveau du comité chargé de la question. Le projet pourrait donc bien finir aux oubliettes, neuf ans après le début des discussions, quoique les partisans du projet aient juré de faire en sorte que les négociations progressent. La proposition de renforcer les droits des organismes de radiodiffusion sur leurs transmissions afin de lutter contre le vol de signaux a été examinée dans le cadre de la session spéciale du Comité permanent du droit d’auteur et des droits connexes de l’OMPI, du 18 au 22 juin. Le Comité était chargé de rapprocher les différents points de vue cette année, de sorte que l’Assemblée générale de l’OMPI qui se réunira en septembre 2007 puisse convenir d’engager des négociations officielles (dans le cadre d’une conférence diplomatique) en novembre. Les membres du Comité ont déclaré que le mandat n’a pas pu être rempli. « Une idée qui a mûri ne peut pas être mise en suspens », a déclaré un délégué indien durant la séance de clôture, ajoutant toutefois que les dix dernières années passées à débattre de l’idée d’un traité ont montré aux membres les « profonds clivages » qui les divisent à cet égard. Il a en outre suggéré que le Comité pourrait désormais mieux utiliser le temps dont il dispose, notamment en s’employant à garantir à tous les membres un accès au savoir et à l’éducation. D’autres observateurs ont fait mention de la proposition du Chili de débattre des exceptions et des limitations pour les bibliothèques et d’autres utilisateurs spéciaux. Le président du Comité, Jukka Liedes (Finlande), qui a suivi de près l’ensemble des négociations relatives à la radiodiffusion, a supervisé les efforts déployés au cours des dernières heures de la session pour sauver le processus en proposant d’organiser une session spéciale du Comité en automne et de convoquer une conférence diplomatique en 2008. Néanmoins, des États tels que l’Inde et le reste du groupe des pays d’Asie, les États-Unis, le Brésil et l’Afrique du Sud ont déclaré qu’ils refuseraient d’arrêter des dates spécifiques compte tenu de l’ampleur des divergences qui se sont fait jour entre les gouvernements au cours de cette année de négociations. Certains pays, notamment en Europe, en Afrique (le Kenya entre autres) et en Amérique latine (El Salvador et le Mexique, notamment), ont demandé instamment que les discussions se poursuivent. Les membres ont convenu de recommander le report de la conférence diplomatique à une date indéfinie, afin de s’accorder « un temps de réflexion » et de réexaminer la question dans le cadre des sessions ordinaires du Comité. Il s’agit là d’une nette régression par rapport à l’état d’avancement des négociations en début d’année. La recommandation formulée établit que le Comité pourra demander à l’Assemblée générale de convoquer une conférence diplomatique dans le cas où il parvient à un accord sur un nouveau document. Selon l’OMPI, les négociations progressent Jukka Liedes et Michael Keplinger, vice-directeur général de l’OMPI ont défendu le résultat de la réunion à un point de presse, soulignant que les discussions sur le traité se poursuivraient. « Je pense que des progrès énormes ont été réalisés », a estimé M. Keplinger, ajoutant que les membres avaient étudié soigneusement les différents moyens de protéger les droits des radiodiffuseurs. « Je ne pense pas du tout que ce soit un échec : nous avons affaire à un processus qui progresse ». « Nous sommes en plein marathon », a expliqué M. Liedes, comparant le revers subi à une « crampe au mollet ». M. Keplinger, qui a pris ses fonctions il y a environ six mois, a précisé que les négociations n’avaient réellement débuté en début d’année, et que les membres continuaient d’approfondir leurs connaissances du sujet. Selon le vice-directeur général, les huit premières années n’ont consisté qu’en des « discussions », au cours desquelles les membres ont approfondi le sujet. « Le sujet est mal connu », a expliqué M. Keplinger, ajoutant que depuis le début des discussions, le nombre de pays signataires de la Convention de Rome de 1961 sur la protection des organismes de radiodiffusion – ils sont près de 90 aujourd’hui – avait presque triplé. Néanmoins, plus de la moitié des 184 États membres de l’OMPI ne sont pas parties à la Convention de Rome, ce qui pourrait évoluer si le processus de négociation se poursuit, selon le vice-directeur général, qui a fait état d’une « dynamique favorable ». Les États-Unis n’ont pas signé la Convention de Rome et leurs divergences avec l’Union européenne s’agissant des droits des radiodiffuseurs ont joué un rôle clé dans l’échec des négociations cette année. M. Liedes a défendu les efforts acharnés qu’il a déployés pour parvenir à un accord sur le projet de traité, parfois en sortant des sentiers battus. « Certains d’entre nous reconnaissent que les radiodiffuseurs pourraient être en mesure d’autoriser la réutilisation de leurs émissions », a-t-il expliqué, ce qui garantirait, à son avis, une utilisation « équilibrée et équitable de leurs investissements à l’étranger ». Les négociations se fondent officiellement sur un document volumineux (SCCR 15/2), qui reflète les profondes divergences entre les membres. M. Liedes a élaboré divers documents « officieux » plus succincts en vue de rendre compte des consultations qu’il a menées auprès des membres ces derniers mois et de fournir un document de base qui permettrait de raccourcir le document original. Ces documents officieux, dont le dernier en date réintroduisait dans le traité une référence à la diffusion par le Web, qui avait été éliminée depuis longtemps, ont été rejetés ou substantiellement modifiés. « C’est un peu triste, a déploré un représentant gouvernemental à l’issue de la session spéciale. Mais le réalisme a finalement pris le dessus. Ces questions sont difficiles et c’est une décision prudente. » Les divergences ont mené à l’impasse Les négociations se sont soldées par un échec après onze heures de débats, selon un représentant gouvernemental participant à la session. Les nombreuses divergences fondamentales qui subsistaient sur le projet de traité ont montré que le Comité ne serait manifestement pas en mesure de recommander clairement à l’Assemblée générale de septembre de convoquer une conférence diplomatique. Selon certaines sources, les discussions se sont progressivement enlisées, à mesure que les objections et les différentes reformulations s’accumulaient. Elles ont atteint un point de non-retour après une déclaration faite par la délégation des États-Unis en fin de semaine, dans laquelle ils affirmaient qu’ils ne voyaient pas comment aplanir les divergences dans le délai imparti. Selon un représentant américain, les États-Unis ont en outre fait observer qu’ils ne voyaient pas « le moindre terrain d’entente » dans le document en cours de négociation, que ce soit sur des propositions nouvelles ou formulées de longue date. « Nous n’étions pas pessimistes, nous étions tout simplement réalistes », a ajouté le représentant américain : les États-Unis n’ont fait que reconnaître que le mandat de l’Assemblée générale ne pourrait pas être rempli. « Nous étions certains qu’aucun accord ne pourrait être atteint sur des questions essentielles, même si nous avions quelques jours supplémentaires à disposition », a-t-il conclu. Le dernier jour de la semaine devait être consacré à une réunion du Comité préparatoire dans le but de définir les procédures à suivre pour la conférence diplomatique de novembre. La réunion préparatoire n’a finalement pas eu lieu. Les radiodiffuseurs souhaitaient qu’une conférence diplomatique soit convoquée sur la base d’un autre document officieux controversé qui prévoyait la protection des retransmissions et des droits exclusifs sur les émissions. Des nouvelles versions de ce document officieux élaboré par le président ont finalement été proposées le quatrième jour, révélant que les membres avaient apporté de nombreuses modifications au texte original. Les membres se sont également dits préoccupés par la liberté d’appréciation du président dans sa façon de traiter les propositions des gouvernements. Les pays européens ont été considérés comme les plus fervents partisans du traité. Au début de la semaine, les membres ont passé outre à l’avis du président et ont choisi de débattre un article après l’autre. La quasi-totalité des dispositions clés du document étaient sujettes à controverse, en particulier les mesures de protection technologique qui pourraient être utilisées par les organismes de radiodiffusion pour contrôler l’accès aux contenus. La tension était à son comble lorsque le Comité a abordé certaines des clauses connues sous le nom de dispositions « d’intérêt public », qui souligneraient la nécessité de maintenir un équilibre entre les droits des radiodiffuseurs et l’intérêt public, de promouvoir l’accès au savoir, de lutter contre les pratiques anticoncurrentielles et de préserver la diversité culturelle. Ces paragraphes ont été déplacés dans le préambule par le président, conformément au souhait des États-Unis et d’autres pays développés. Selon certaines sources, le Brésil, le Chili, l’Inde, le Venezuela et le Groupe africain, entre autres, plaidaient en faveur de leur réinsertion dans le corps du texte. Les États-Unis, la Suisse, le Japon et la Colombie auraient déclaré qu’ils souhaitaient que ces paragraphes restent dans le préambule. Parmi les autres modifications proposées, une dizaine concernaient les définitions fondamentales. D’autres propositions visaient les limites de la portée du traité, l’élimination des références aux réseaux informatiques, les droits exclusifs et un traitement spécial accordé par les États-Unis aux organismes de radiodiffusion pour les manifestations sportives. Le Canada a soumis une proposition durant la session en vue de permettre la retransmission d’un signal hertzien non crypté au sein du pays de réception et non à l’étranger. Le Canada recommande en outre le maintien des limitations et des exceptions prévues pour les organismes de radiodiffusion dans l’Accord de l’Organisation mondiale du commerce sur les Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) [article 14.6], une disposition que certains considèrent comme plus généreuses à l’égard des utilisateurs que le triple test traditionnellement appliqué en droit d’auteur. Selon la proposition canadienne, les domaines pour lesquels des limitations et des exceptions pourraient être permises seraient les mêmes que ceux prévus à l’article 15.1 de la Convention de Rome, notamment l’utilisation à titre privé, l’enseignement ou la recherche scientifique. Les autres types d’utilisations seraient soumis au triple test. Séances à huis clos Les groupes intergouvernementaux et non gouvernementaux n’ont pas eu le droit d’assister aux séances du Comité à partir du deuxième jour. M. Liedes, qui a dû s’absenter ce jour-là pour s’occuper, en Finlande, d’affaires dont il n’a pas précisé la nature, a expliqué à Intellectual Property Watch que la réunion prenait une tournure informelle pour donner davantage de « flexibilité » aux négociateurs. Le luxueux hall de l’OMPI s’est donc rempli de groupes de pression issus de divers pays et domaines (radiodiffusion, industrie du film et de la musique, télécommunications, sports professionnels, médias en ligne et hautes technologies, entre autres) et de nombreux groupes d’intérêt public. Parmi les groupes de pression figuraient les représentants de certaines des plus grandes entreprises au monde. Les groupes d’intérêt public et les entreprises du secteur des technologies étaient satisfaits du résultat de la session. James Love, directeur de Knowledge Ecology International, a déclaré que la décision du Comité « place la barre très haut » pour la planification d’une conférence diplomatique, puisque les membres devront d’abord s’accorder sur « les objectifs, la portée et l’objet de la protection, des points sur lesquels il n’y a aucun accord en vue », à son avis. M. Love a précisé que les négociations étaient le reflet d’un changement à l’OMPI, qui répondait avant tout aux besoins des titulaires de droits par le passé et s’attelle aujourd’hui à des questions de portée plus générale en lien avec l’impact des droits de propriété intellectuelle. Dans le cas présent, « les radiodiffuseurs en demandaient trop et ne faisaient pas assez de concessions pour que les négociations sur le traité progressent », selon M. Love. Dix groupes non gouvernementaux issus de diverses régions ont formulé une déclaration conjointe le 20 juin demandant aux délégués de stopper les négociations et de rejeter la proposition de traité. « Après plus de neuf ans de débats, les efforts déployés pour convenir d’un texte de traité qui s’attaque au piratage de signaux émis sans porter atteinte aux droits d’auteur et aux droits légitimes des utilisateurs d’émissions ont échoué », ont-ils conclu. Les titulaires de droits et les groupes de radiodiffusion n’ont fait aucun commentaire à l’issue de la session. Plus tôt dans la semaine, l’Electronic Frontier Foundation (EFF) a présenté à l’OMPI une lettre ouverte (http://www.dearwipo.com/) signée par plus de 1 500 podcasters (personnes qui distribuent des contenus sur Internet aux fins d’utilisation d’appareils comme les IPods) du monde entier, dans laquelle ceux-ci se disent préoccupés par l’impact qu’aurait le traité sur cette nouvelle forme de distribution de contenus (dite podcasting). « Le fait d’octroyer des droits exclusifs aux organismes traditionnels de radiodiffusion et de diffusion par câble sur les retransmissions différées sur Internet en plus des droits d’auteur risque également de compromettre les nouvelles formes de diffusion citoyenne sur Internet telles que le podcasting, à un moment où il est encore difficile de savoir si les organismes de radiodiffusion traditionnels seront remplacés par les nouveaux médias qu’offre Internet », a déclaré Gwen Hinze de l’EFF dans le cadre de la réunion. 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