L’industrie augmente la mise dans la campagne mondiale contre le piratage 12/02/2007 by Tove Iren S. Gerhardsen for Intellectual Property Watch Leave a Comment Share this:Click to share on Twitter (Opens in new window)Click to share on LinkedIn (Opens in new window)Click to share on Facebook (Opens in new window)Click to email this to a friend (Opens in new window)Click to print (Opens in new window)Par William New et Catherine Saez Les entreprises multinationales tentent de trouver des nouvelles tactiques pour empêcher que la contrefaçon et le piratage de leurs produits ne fassent chuter leurs bénéfices et nuisent à leur réputation. Dans le cadre d’une récente réunion de haut niveau avec des organismes intergouvernementaux de premier plan, elles ont donné une nouvelle orientation à la campagne contre le piratage et la contrefaçon. Les groupes et les organisations du secteur industriel ont mis l’accent sur les liens qui existent entre les produits contrefaits et piratés et le crime organisé, ainsi que sur les risques que comportent ces produits pour la santé et la sécurité des individus, tandis qu’ils multiplient les ressources, les pressions et les efforts pour changer les législations en vigueur et mobiliser le soutien de l’opinion publique. Néanmoins, les représentants des consommateurs n’ont pas assisté à la réunion des cadres de haut rang et des représentants intergouvernementaux et gouvernementaux, lesquels se sont vraisemblablement adressés à une audience largement acquise à leur cause. Le troisième Congrès mondial sur la lutte contre la contrefaçon et le piratage, qui s’est tenu les 30 et 31 janvier 2007 à Genève, est co-organisé par l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), l’Organisation mondiale des douanes (OMD) et l’Organisation internationale de police criminelle (Interpol). M. Kamil Idris, directeur général de l’OMPI a déclaré à cette occasion que la volonté politique d’améliorer la protection de la propriété intellectuelle dans l’intérêt des pays était de plus en plus manifeste à l’échelon national. Il a ajouté que l’OMPI était « au cœur » des efforts déployés aux niveaux national, régional et international pour instaurer des normes de protection de la propriété intellectuelle et a fait l’éloge des initiatives de l’Organisation dans ce domaine, notamment la création du Comité consultatif sur l’application des droits, les réponses apportées aux demandes d’assistance juridique, et la mise en place de vastes programmes de formation. Plusieurs hauts fonctionnaires ont fait un lien entre les produits illégaux et le crime organisé, voire le terrorisme. C’est notamment le cas de M. Christoph Blocher, conseiller fédéral et chef du Département fédéral de justice et police (Suisse), de M. Ronald Noble, secrétaire général d’Interpol, et de M. Michel Danet, secrétaire général de l’OMD. M. Noble a annoncé la création d’une base de données sur la criminalité internationale liée à la propriété intellectuelle, afin de faciliter la collecte et l’échange d’informations. Il a en outre expliqué que cette base de données serait notamment axée sur les itinéraires de trafic et serait conçue de telle sorte que les recherches effectuées dans le système soient automatiquement étendues à d’autres bases de données. D’autres initiatives d’Interpol ont été présentées, notamment la coopération mondiale contre les médicaments de contrefaçon et l’établissement de centres mondiaux de lutte contre la criminalité destinés à l’échange de renseignements, à la collecte de données et à la formation, parmi lesquels un centre spécialisé dans la criminalité liée à la propriété intellectuelle. Selon M. Danet, l’OMD annoncera, à sa réunion annuelle en juin prochain, l’introduction de 60 à 70 mesures de lutte contre le commerce de marchandises contrefaites et piratées, dans des domaines aussi variés que l’exportation, les opérations de transit et les zones franches. L’OMD organisera également une série de séminaires dans le monde entier et concentrera en particulier son action sur 60 pays n’ayant aucune législation en matière de contrefaçon ou de piratage, afin de les aider à élaborer des projets de loi en collaboration avec les gouvernements européens. L’Organisation créera en outre un fonds de renforcement des capacités et s’efforcera de placer ces questions au rang des priorités des groupes multilatéraux tels que le groupe des huit nations les plus industrialisées (G8) et le Groupe des 77. Selon certaines sources, l’OMD devrait accueillir le congrès qui aura lieu l’an prochain en France et il se pourrait que des congrès régionaux soient organisés durant l’année. Les groupes de l’industrie conjuguent leurs efforts de lutte contre le piratage Les différents groupes de l’industrie engagés dans la lutte contre le commerce des contrefaçons et des produits piratés ont fait ce que l’industrie sait faire de mieux lorsqu’il s’agit d’accroître son impact : fusionner. La Global Business Leaders Alliance Against Counterfeiting (alliance mondiale des dirigeants d’entreprises contre le commerce des contrefaçons ou GBLAAC) a annoncé à la réunion qu’elle s’était jointe à la Business Action to Stop Counterfeiting and Piracy (action des entreprises pour mettre un terme à la contrefaçon et au piratage ou BASCAP) engagée par la Chambre de commerce internationale (CCI), en vue de former un groupe plus puissant sous le nom de BASCAP. M. Guy Sebban, secrétaire général de la CCI a déclaré que le programme du groupe BASCAP pour 2007 consisterait notamment à poursuivre les actions de sensibilisation et à travailler avec les gouvernements, non pas pour instaurer des législations idéales, mais plutôt pour faire appliquer les lois existantes « ou les lois qui ne sont pas encore entrées en vigueur ». Selon M. Sebban, le groupe BASCAP prévoit également une action à long terme pour sensibiliser l’opinion publique aux problèmes que posent la contrefaçon et le piratage. En effet, le grand public s’oppose actuellement à l’introduction de mesures de protection. L’industrie tentera d’inverser la tendance en mettant en évidence les aspects nuisibles pour la santé et la sécurité, ainsi que les liens qui existent avec le crime organisé. M. Sebban a expliqué qu’« en répétant cela plus souvent et plus fort », il était possible d’atteindre un plus grand nombre de personnes. Il a ajouté que l’accent serait davantage mis sur les limitations qu’imposent la contrefaçon et le piratage dans le transfert de la technologie, en vue de gagner le soutien des pays en développement. Cela pourrait en effet constituer une sérieuse menace pour certains de ces pays. Mme Dee Ann Weldon-Wilson, présidente de l’Association internationale pour les marques (INTA) a proposé d’harmoniser le droit pénal à l’échelon mondial de manière à instaurer des normes d’application élémentaires pour lutter contre tous les aspects de l’activité criminelle ; de demander instamment aux gouvernements d’adopter des lois et des règlements visant à mettre un terme au transbordement dans leur pays ; et d’encourager les gouvernements et le secteur privé à poursuivre leurs campagnes de sensibilisation dans ce domaine. M. Bernd Pfaffenbach, secrétaire d’État au ministère fédéral de l’Économie et de la technologie (Allemagne) a souligné l’importance de la lutte contre la contrefaçon et le piratage pour son pays, non seulement parce qu’il préside l’Union européenne jusqu’en juillet prochain, mais aussi parce qu’il accueillera la prochaine réunion du G8. Il a précisé que le sujet était « placé au premier rang des priorités » du G8, ajoutant que l’Allemagne s’efforcerait de faire davantage entendre le point de vue de l’industrie au sein du G8. M. Xiong Xuanguo, vice-président de la Cour populaire suprême (Chine), a décrit le système en vigueur dans son pays, arguant qu’il portait ses fruits. Il a toutefois reconnu que dans certaines régions, des « problèmes subsistaient », en raison du développement de l’économie et des sociétés locales. Il a souligné la nécessité d’améliorer les lois en vigueur et leur application, précisant que la Cour suprême devait apporter les changements nécessaires pour renforcer les sanctions et l’harmonisation de leur application. Par ailleurs, une plus grande transparence dans les activités sera assurée, en facilitant l’échange d’informations sur les décisions de justice et les échanges transnationaux. Projet d’étude de l’OCDE sur l’impact économique Les résultats préliminaires d’une étude de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) présentés au Congrès étayent les revendications de l’industrie. Ils démontrent que la contrefaçon et le piratage sont pratiqués dans presque toutes les économies. Si 27 États membres de l’OCDE ont été cités comme des sources de contrefaits, cinq pays asiatiques – la Chine, la Thaïlande, Hong Kong, la Corée et la Malaisie – seraient toutefois à l’origine de près de 60 pour cent des produits illégaux saisis. Les premières conclusions de l’étude ont été présentées par M. John Dryden, directeur adjoint pour la science, la technologie et l’industrie. Les résultats préliminaires indiquent par ailleurs que les marchandises contrefaites ou piratées s’infiltrent de plus en plus dans les chaînes d’approvisionnement légales, notamment dans des magasins de vente au détail bien établis. Internet et les zones franches sont également des facteurs déterminants. Il s’avère en outre que les modes de consommation sont variables. Ainsi, le Moyen-Orient achète une part substantielle des contrefaçons de pièces détachées d’automobiles, tandis que l’Afrique est la principale destination des médicaments contrefaits. La gamme de marchandises contrefaites ou piratées est « vaste et en plein essor » selon des études réalisées par le secteur industriel et les autorités publiques. Les produits textiles sont les premiers visés (30 pour cent), suivis des équipements et machines (17 pourcent). L’OCDE estime que le commerce de contrefaçons et de produits piratés dans le monde représente au minimum 176 milliards de dollars (USD), soit près de 2,4 pour cent du commerce mondial d’articles manufacturés. L’étude de l’OCDE devrait être publiée en mai prochain. Les travaux de l’OMC sur l’application des droits de propriété intellectuelle M. Rufus Yerxa, directeur général adjoint de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), a présenté la façon dont l’OMC traite de l’application des droits de propriété intellectuelle, notamment dans le cadre du Conseil des aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC). L’application des droits de propriété intellectuelle par les Membres de l’OMC est analysée dans le cadre d’un processus d’examen et une disposition de l’Accord sur les ADPIC autorise chaque Membre à demander des compléments d’information sur les systèmes de protection de la propriété intellectuelle des autres Membres (comme ce fut récemment le cas pour les États-Unis et la Suisse à l’égard de la Chine). M. Yerxa a également fait mention de l’article 69 de l’Accord sur les ADPIC, qui est « facilement négligé ». En vertu de cet article, les Membres sont convenus de coopérer en vue d’éliminer le commerce international des marchandises portant atteinte aux droits de propriété intellectuelle. Il a précisé que peu de procédures de règlement des différends ont été engagées à l’OMC pour des violations de droits de propriété intellectuelle et que les quelques plaintes déposées à cet égard ont débouché sur des accords à l’amiable. Beaucoup de petits États membres de l’OMC ne sont pas encore tenus de mettre en œuvre l’Accord sur les ADPIC. M. Yerxa a déclaré que certains Membres tels que le Japon, l’Union européenne et les États-Unis ont fait part de leurs inquiétudes au Conseil des ADPIC en ce qui concerne la contrefaçon et le piratage. Les États-Unis ont récemment présenté une nouvelle proposition de méthodes modernes de saisie de marchandises. Toutefois, d’autres Membres auraient fait valoir que les questions d’application ne relevaient pas de la compétence du Conseil et qu’il était plus approprié de les soumettre au Comité consultatif de l’OMPI sur l’application des droits, par exemple. M. Yerxa a précisé que la coopération entre l’OMC et l’OMPI était « particulièrement intense ». M. Michael Keplinger, vice-directeur général de l’OMPI pour le Secteur du droit d’auteur et des droits connexes, a expliqué de quelle façon « le développement rapide de la technologie facilite le piratage de masse ». Parmi les activités réalisées par l’OMPI, M. Keplinger a mentionné les quelque 50 cours de formation dispensés dans le domaine de l’application des droits de propriété intellectuelle entre 2005 et 2006. Il a en outre fait allusion aux négociations en cours à l’OMPI sur un traité relatif à la protection des signaux radiodiffusés. M. Eckhart Guth, chef de la délégation de la Commission européenne auprès des organisations internationales du système des Nations Unies, a souligné le problème que pose le vol de signaux radiodiffusés, notamment pour les émissions sportives. Campagne de pression : une priorité pour les dirigeants M. Bob Wright, vice-président de General Electric, et président et directeur général de NBC Universal, a invité ses auditeurs à placer la protection de la propriété intellectuelle « au premier rang des priorités des pouvoirs publics » et à rallier les principaux acteurs du secteur privé à leur campagne. Selon M. Wright, le message de la campagne devrait insister sur le fait que la protection de la propriété intellectuelle est indispensable pour la croissance économique de toutes les nations, que le piratage et la contrefaçon sont dangereux pour la santé et la sécurité, pratiqués massivement et liés au crime organisé, et que des nouvelles stratégies et ressources sont donc nécessaires pour assurer l’application des lois. M. Wright a expliqué que les consommateurs devaient impérativement comprendre que l’achat de contrefaçons ou de produits piratés n’est pas « une infraction sans victime et qu’ils peuvent en être eux-mêmes les victimes ». Un groupe de dirigeants mondiaux réunissant des présidents et directeurs généraux des principales multinationales telles que Vivendi Universal, Nestlé, Sanofi-Aventis, EMI et NBC s’efforcera de sensibiliser l’opinion publique et de renforcer les pressions exercées pour réduire ce que le groupe BASCAP qualifie de fuites dans les activités commerciales et l’économie mondiale qui se traduisent par la suppression de nombreux emplois licites et par le pillage des bénéfices du travail et de l’innovation de l’industrie de la création. Le groupe des présidents et directeurs généraux s’est réuni à Genève le 29 janvier dernier en vue d’examiner les résultats d’une étude mondiale sur la contrefaçon et le piratage réalisée par la CCI en coopération avec la Cass Business School of the City University of London et de définir un plan de lutte contre ce que M. Jean-René Fourtou, co-président du groupe BASCAP et président du Conseil de surveillance de Vivendi Universal, considère comme une « gigantesque économie occulte » et « le problème économique majeur de ce siècle ». L’étude commerciale établit que les principaux marchés émergents comme la Chine (en tête), la Russie, l’Inde ou le Brésil offrent les pires environnements pour la protection de la propriété intellectuelle, tandis que les États-Unis arrivent en tête des pays les plus favorables à la propriété intellectuelle, juste avant le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France. Selon l’étude, la plupart des sociétés étaient favorables à l’application des droits. Elle précise également les différentes approches adoptées face aux problèmes de la contrefaçon et du piratage, en fonction du domaine d’activité des 48 sociétés étudiées, qui représentent environ 27 secteurs industriels. Les sociétés qui dépendent de la production de masse (industrie de la musique et des CD par exemple) privilégient le renforcement des lois de propriété intellectuelle en vigueur et sont davantage disposées à investir des fonds dans des campagnes de sensibilisation du public à la propriété intellectuelle, que l’industrie de production par lots (notamment l’industrie aéronautique). Dans le cadre de son travail de sensibilisation, le groupe des présidents et directeurs généraux a brossé un tableau alarmant des conséquences sur l’économie mondiale et des dommages collatéraux que pourrait notamment causer pour la population l’introduction sur le marché de médicaments contrefaits dangereux pour la santé et de pièces détachées d’automobiles défectueuses, y compris dans l’hémisphère nord. M. Wright a déclaré qu’une « part importante » du programme de travail du groupe consiste à amener les pays à investir des ressources dans la lutte contre la contrefaçon et le piratage. Selon M. Fourtou, l’application des normes de protection en vigueur par les gouvernements est la question capitale à régler. « Les lois pourraient être améliorées », mais « leur application reste le principal problème », a conclu M. Fourtou, déplorant « un manque flagrant de volonté et d’efficacité » à l’échelon national. Le Sommet de Bruxelles met l’accent sur les préoccupations de l’industrie Un autre sommet récent sur la propriété intellectuelle à Bruxelles a montré que ces questions étaient au centre des préoccupations de l’industrie. Le thème le plus récurrent au cours du séminaire de deux jours organisé à l’intention du secteur privé, en décembre dernier à Bruxelles, était sans doute la contrefaçon et le piratage des produits protégés par des brevets, des marques ou des droits d’auteur. Les critiques formulées visaient avant tout la Chine, mais la liste des pays montrés du doigt était relativement longue. Les mesures à prendre pour stimuler l’innovation, en Europe et ailleurs, étaient également au cœur des débats, de même que l’octroi de licences et la valeur de la propriété intellectuelle, l’harmonisation des systèmes de brevets à l’échelle mondiale et Tintin, le héros de la fameuse bande dessinée belge. Après tout, le Sommet se tenait à Bruxelles et il était donc intéressant d’entendre le titulaire des droits de la série parler des accords de licence conclus dans le monde entier et des négociations engagées avec le réalisateur hollywoodien Steven Spielberg concernant l’adaptation cinématographique, dont la sortie est prévue l’an prochain. Le Sommet paneuropéen sur la propriété intellectuelle, organisé par Premier Cercle, s’est tenu les 7 et 8 décembre à Bruxelles. [Pour de plus amples informations sur ce Sommet, veuillez consulter la page www.ip-watch.org, du 26 janvier 2006.] Share this:Click to share on Twitter (Opens in new window)Click to share on LinkedIn (Opens in new window)Click to share on Facebook (Opens in new window)Click to email this to a friend (Opens in new window)Click to print (Opens in new window) Related "L’industrie augmente la mise dans la campagne mondiale contre le piratage" by Intellectual Property Watch is licensed under a Creative Commons Attribution-NonCommercial-ShareAlike 4.0 International License.