Négociations à l’OMC : les États-Unis poussent la Russie à adopter des clauses ADPIC plus restrictives 28/11/2005 by William New, Intellectual Property Watch Leave a Comment Share this:Click to share on Twitter (Opens in new window)Click to share on LinkedIn (Opens in new window)Click to share on Facebook (Opens in new window)Click to email this to a friend (Opens in new window)Click to print (Opens in new window)Tout en poursuivant le processus de son adhésion à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), la Russie a engagé des négociations bilatérales avec les États-Unis qui vont au-delà de ce que prévoit l’Accord de l’OMC sur les droits de propriété intellectuelle. Le 20 octobre dernier, un haut représentant de la Russie a déclaré que ces deux processus étaient désormais étroitement liés. Selon le négociateur en chef de la Russie auprès de l’OMC, Maxim Medvedkov, les États-Unis demandent au gouvernement russe de s’engager sur la voie bilatérale à appliquer des normes de protection des droits de propriété intellectuelle plus restrictives que celles requises pour son adhésion à l’OMC. Il a souligné que la Russie accepte et satisfait à toutes les dispositions de l’Accord de l’OMC en matière de propriété intellectuelle. Il a toutefois ajouté que les négociations bilatérales et multilatérales sont inextricablement liées et menées en parallèle. Des observateurs ont révélé que les pressions se multiplient en vue de faire aboutir les négociations à temps pour la prochaine Conférence ministérielle de l’OMC, qui aura lieu à Hong Kong du 13 au 18 décembre 2005. « Nous partageons les points de vue des États-Unis quant à l’importance des questions à traiter conformément aux normes de l’OMC, notamment en ce qui concerne la législation et la mise en œuvre de nos engagements, a précisé M. Medvedkov dans une interview à la suite des débats engagés le 20 octobre dernier sur l’adhésion de la Russie à l’OMC. « Nous sommes conscients que nous devons prendre un certain nombre de mesures. Et nous le faisons », a-t-il déclaré. Et d’ajouter : « Nous tenons à ce que ce processus aboutisse dans les meilleurs délais, d’autant plus que la Russie est un grand exportateur de biens de propriété intellectuelle ». « Mais je pense que nous devons faire une distinction entre les questions bilatérales et celles relatives à notre adhésion à l’OMC », a-t-il précisé. Les États membres de l’OMC, aujourd’hui au nombre de 148, sont liés par les clauses de l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC). Adopté par l’OMC en 1994, cet Accord prévoit des périodes de transition variables pour la mise en œuvre des engagements en fonction des pays. Les États candidats à l’accession à l’OMC doivent démontrer sur le plan multilatéral, c’est-à-dire au groupe de travail sur l’accession, qu’ils répondent ou répondront aux normes définies par l’Accord sur les ADPIC. Néanmoins, certains pays tels que les États-Unis ont pris conscience de la nécessité de renforcer la protection de leurs droits de propriété intellectuelle notamment au vu des avancées technologiques actuelles. Par conséquent, ils tentent de pousser les gouvernements à prendre des engagements bilatéraux qui vont au-delà des dispositions de l’Accord sur les ADPIC. Il semblerait que ce soit précisément le cas dans le cadre des négociations avec la Russie. « Sur le plan bilatéral, nous négocions diverses modalités qui pourraient être considérées comme des clauses ADPIC-plus », a fait observer M. Medvedkov, tout en précisant : « Nous négocions toutes les questions simultanément ». M. Medvedkov a par ailleurs déclaré : « Nous appliquerons pleinement l’Accord sur les ADPIC à compter du jour de notre adhésion à l’OMC ». Et d’ajouter : « Nous devons résoudre certaines questions sur le plan bilatéral et nous avons l’intention de les régler dans le cadre des négociations avec l’OMC ». « Il est important que tous les trains arrivent à destination en même temps », a-t-il conclu. M. Medvedkov a expliqué qu’il n’était pas responsable des négociations bilatérales engagées entre la Russie et les États-Unis. Il a précisé qu’il ignorait dans quelle mesure ces engagements pourraient dépasser ceux de l’Accord sur les ADPIC. Toutefois, des observateurs ont fait valoir que l’octroi pour plusieurs années de droits exclusifs sur les données des essais pharmaceutiques fournies pour obtenir l’approbation de la commercialisation d’un produit est un engagement bilatéral qui ne fait pas partie de l’Accord sur les ADPIC mais que l’on retrouve fréquemment dans des accords négociés par les États-Unis. L’Accord de l’OMC en matière de propriété intellectuelle protège les données contre toute exploitation déloyale. Néanmoins, certains considèrent que l’exclusivité des données confère une forme de monopole, et ce indépendamment de l’existence d’un brevet. Le Bureau du représentant des États-Unis pour le commerce extérieur affirme généralement que rien dans leurs négociations bilatérales n’empêche les États de jouir pleinement des flexibilités de l’Accord sur les ADPIC. Cependant, certains craignent que l’exclusivité des données puisse limiter les circonstances dans lesquelles les gouvernements peuvent octroyer des licences obligatoires pour un médicament breveté jugé indispensable à la protection de la santé publique, comme le prévoit l’Accord sur les ADPIC. La Déclaration sur les ADPIC et la santé publique, adoptée à la Conférence ministérielle à Doha (Qatar) en 2001, a permis de renforcer la capacité des États d’avoir recours aux flexibilités de l’Accord sur les ADPIC. Cette Déclaration a marqué le lancement du présent cycle de négociations. Lorsqu’une licence obligatoire est accordée, le titulaire du brevet doit permettre à des tiers de consulter les informations nécessaires à la fabrication du produit en question. Toutefois, comme la commercialisation d’un produit implique de fournir les données des essais aux organismes de régulation locaux, certains craignent que l’octroi de droits exclusifs sur les données originales puisse entraver le recours à des licences obligatoires. Les négociateurs américains tentent régulièrement d’ajouter dans leurs accords bilatéraux des clauses relatives à la protection de la propriété intellectuelle qui ne sont pas prévues par l’Accord sur les ADPIC. Si certains observateurs estiment que les États souverains sont libres de négocier, d’autres affirment que les États-Unis font pression sur les gouvernements pour imposer leurs propositions. À cet égard, plusieurs représentants colombiens chargés des questions de propriété intellectuelle se sont récemment retirés des négociations bilatérales engagées entre les États-Unis et les pays andins, se disant découragés par la position inflexible des États-Unis (IPW, 17 octobre 2005). La question des dispositions qualifiées d’ADPIC-plus dans le cadre des procédures d’accession à l’OMC a été soulevée lors de l’adhésion du Cambodge en 2003. À cette occasion, l’organisation non gouvernementale Médecins sans frontières avait déclaré : « L’accession du Cambodge à l’OMC à Cancún [lors de la Conférence ministérielle de l’OMC en 2003] démontre la nécessité de défendre en permanence les acquis de la Déclaration de Doha contre les pressions exercées par les pays riches pour limiter le droit de recours aux flexibilités prévues par l’Accord sur les ADPIC. En 2003, le Cambodge a introduit une citation de la Déclaration de Doha dans son droit national en matière de brevets, excluant ainsi les produits pharmaceutiques de la protection par brevet jusqu’en 2016. Cependant, au cours des négociations sur son accession à l’OMC, le Cambodge a accepté, apparemment sous la pression des États-Unis, d’appliquer des clauses ADPIC-plus qui vont entraver ou retarder l’accès de la population cambodgienne aux médicaments génériques ». Share this:Click to share on Twitter (Opens in new window)Click to share on LinkedIn (Opens in new window)Click to share on Facebook (Opens in new window)Click to email this to a friend (Opens in new window)Click to print (Opens in new window) Related "Négociations à l’OMC : les États-Unis poussent la Russie à adopter des clauses ADPIC plus restrictives" by Intellectual Property Watch is licensed under a Creative Commons Attribution-NonCommercial-ShareAlike 4.0 International License.