L’UNESCO adopte une convention sur la diversité culturelle malgré l’opposition des États-Unis 25/11/2005 by William New, Intellectual Property Watch Leave a Comment Share this:Click to share on Twitter (Opens in new window)Click to share on LinkedIn (Opens in new window)Click to share on Facebook (Opens in new window)Click to email this to a friend (Opens in new window)Click to print (Opens in new window)Paris – En octobre, l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) a approuvé une convention sur la protection de la diversité culturelle malgré les efforts acharnés des États-Unis pour convaincre les gouvernements de s’y opposer. La convention a été adoptée par 148 voix contre deux et quatre abstentions au terme de la Conférence générale annuelle qui s’est déroulée du 3 au 21 octobre dernier. Les États-Unis et Israël se sont prononcés contre l’adoption de ce texte. Au cours de la Conférence générale, un représentant officiel des États-Unis a déclaré dans une interview qu’ils avaient mis tout en oeuvre une semaine avant le vote final pour influer sur son résultat. Ils ont notamment envoyé à leurs ambassades à travers le monde des télégrammes contenant des directives en vue d’influencer les décideurs dans chaque pays et le représentant des États-Unis pour le commerce a multiplié les appels téléphoniques pour tenter de convaincre les différents gouvernements. Plusieurs délégations ont quant à elles mené le débat à un tout autre niveau en invoquant tour à tour la continuité de l’humanité, l’avancée de la mondialisation, la suprématie et l’engagement religieux. La Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles est un instrument juridique supplémentaire destiné à aider les gouvernements à préserver leurs identités culturelles face à la mondialisation. Un seul changement conséquent a été apporté au projet de convention lors de la réunion de la commission chargée de son examen, à savoir l’amendement soumis par le Japon pour clarifier davantage le fait que la convention est non seulement cohérente avec les autres traités internationaux, mais également conforme à la Constitution de l’UNESCO. Bien que les quelque 30 amendements soumis par les États-Unis durant la Conférence aient obtenu l’appui de plusieurs États tels que l’Australie, El Salvador, la Libye et le Rwanda, tous ont été rejetés à une forte majorité. Les États-Unis ont fait valoir que le texte de la convention avait été rédigé à la hâte, qu’il était restrictif et pourrait avoir de graves conséquences sur la libre circulation de l’information. Louise Oliver, ambassadeur des États-Unis auprès de l’UNESCO, a déclaré en séance plénière que le texte consolidé soumis au vote n’avait été transmis aux États-Unis qu’en avril et qu’aucune négociation n’avait été possible depuis juin. Elle a ajouté qu’on lui avait signifié à plusieurs reprises qu’il était « trop tard » pour soumettre des amendements. Elle a dénoncé « la volonté d’accélérer le processus d’adoption plutôt que de garantir un texte de qualité » tout en énumérant les craintes des États-Unis quant à la formulation ambiguë de la convention. « La porte des négociations nous a été fermée alors que nous étions sur son seuil et n’a malheureusement pas été rouverte », a déclaré Mme Oliver. Elle a ajouté que les États-Unis étaient des fervents défenseurs de la diversité culturelle et qu’ils « continuent de frapper à la porte » en vain. Elle a également fait remarquer que les participants à la Conférence ont eu le temps de débattre des changements qui leur avaient été soumis, soulignant la volonté des États-Unis de mener un débat ouvert. Elle a en outre déclaré que les conséquences de l’adoption de cette convention étaient trop importantes pour être ignorées. Enjeux commerciaux et autres sources de préoccupations Les États-Unis craignent notamment que la formulation de la convention soit trop vague et que des États puissent s’en servir pour ériger des barrières commerciales contre les exportations américaines, telles que le cinéma, la musique et d’autres produits culturels. « Il n’est pas question ici de culture, mais de commerce », a déclaré le représentant américain. Et d’ajouter : « Il s’agit d’une politique commerciale élaborée par des ministres de la culture ». Les préoccupations formulées portaient en particulier sur les démarches entreprises au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) par la France pour combattre la libéralisation du secteur audio-visuel et celles du Canada pour protéger ses publications. Plusieurs représentants ont donné des interprétations différentes de l’article 20 de la convention, qui se rapporte à l’articulation de ce texte avec les autres instruments internationaux existants. Il s’avère difficile de déterminer dans quelle mesure la convention est subordonnée aux autres engagements internationaux, notamment ceux qui ont été pris à l’OMC. Le représentant américain a par ailleurs déclaré que si la plupart des États ont soutenu la convention, certains, notamment des membres de l’Union européenne comme le Royaume-Uni, ont assuré en privé aux États-Unis qu’ils n’avaient pas l’intention de la ratifier. Il a ajouté que les États-Unis ne comptaient pas non plus le faire. Il n’a pas écarté la possibilité que les États-Unis reviennent sur la décision qu’ils ont prise en 2003 de rejoindre l’UNESCO après 19 ans d’absence. Toutefois, il a précisé qu’ils n’avaient pas réintégré l’organisation dans le but de bloquer le processus d’adoption de la convention sur la diversité culturelle. Depuis leur retour officiel au sein de l’UNESCO, les contributions des États-Unis représentent 22 % du budget biennal de l’organisme onusien, qui s’élève à 610 millions de dollars américains. Jean Gueguinou, ambassadeur de la France auprès de l’UNESCO, a confirmé dans une interview que la convention pourrait être invoquée pour protéger les industries culturelles nationales, mais il a tempéré les craintes formulées à cet égard. Il a précisé que le vote de l’UNESCO s’inscrit dans le prolongement de l’adoption par la France de la Déclaration sur la diversité culturelle en 2001, ajoutant qu’à l’heure actuelle, de nombreux pays perçoivent la mondialisation comme une menace. « Beaucoup craignent de voir leur diversité culturelle compromise » a-t-il précisé. L’ambassadeur de la France a expliqué que cette convention reconnaît la volonté de la majorité des États de se doter d’un instrument susceptible de protéger leurs identités s’ils le jugent nécessaire. Il a ajouté que certains pays qui souhaitaient disposer d’une telle politique n’étaient pas en mesure d’en élaborer une à eux seuls. Selon des observateurs non gouvernementaux, il ne reste plus qu’une seule et unique référence aux droits de propriété intellectuelle dans le projet de convention. L’article 17 du préambule appelle ainsi à la reconnaissance de « l’importance des droits de propriété intellectuelle pour soutenir les personnes qui participent à la créativité culturelle ». Aucun des amendements soumis par les États-Unis n’étaient directement liés à des questions de propriété intellectuelle. Les États-Unis ont perdu un certain nombre de batailles dans le processus qui a mené à l’adoption de cette convention. À titre d’exemple, ils avaient l’intention d’y insérer plus d’une douzaine de références aux droits de propriété intellectuelle. Selon le représentant des États-Unis, leur tentative a été bloquée par le Brésil, qui a appuyé les efforts de l’UNESCO lors de négociations engagées à l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI). La Campagne pour les droits à la communication dans la société de l’information (CRIS) et d’autres groupes ont également joué un rôle décisif dans ce processus. De son côté, le Brésil est parvenu à introduire une référence à la protection des savoirs traditionnels dans la convention de l’UNESCO, une question qu’il a défendue avec vigueur à l’OMPI selon le représentant américain. « C’est l’un des aspects les plus néfastes de cette convention » a déclaré le représentant des États-Unis, en rupture avec les acclamations des autres représentants souriants et satisfaits. [Remarque: pour de plus amples informations (en anglais) sur la Conférence générale, veuillez consulter la section consacrée aux Nations Unies sur le site d’Intellectual Property Watch, www.ip-watch.org]. 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