La propriété intellectuelle « laissée pour compte » au SMSI 20/12/2005 by William New, Intellectual Property Watch Leave a Comment Share this:Click to share on Twitter (Opens in new window)Click to share on LinkedIn (Opens in new window)Click to share on Facebook (Opens in new window)Click to email this to a friend (Opens in new window)Click to print (Opens in new window)Par Monika Ermert pour Intellectual Property Watch La propriété intellectuelle n’était pas à l’ordre du jour de la séance de clôture de la seconde phase du Sommet mondial des Nations Unies sur la Société de l’information (SMSI) organisée à Tunis, au terme d’un processus qui aura duré cinq ans. Certains craignent que cette omission ne soit intentionnelle. Mme Robin Gross, directrice de l’organisation non gouvernementale (ONG) IP Justice, a déclaré qu’il semblait inconcevable de débattre de l’avenir de la société de l’information sans aborder les questions relatives à la propriété intellectuelle, ajoutant qu’il pourrait s’agir d’une omission intentionnelle. « On nous a accordé trois minutes en séance plénière à Tunis pour traiter de la propriété intellectuelle », a-t-elle déploré. Selon Mme Gross, ce qui est arrivé à Lawrence Lessig, spécialiste du droit du cyberespace et inventeur des licences « Creative Commons », est symptomatique des débats engagés au Sommet. Peu avant son discours à la « Table ronde de visionnaires » organisée par l’Union internationale des télécommunications (UIT) dans le cadre des travaux préparatoires du SMSI à Genève en 2002, ce professeur de l’Université de Stanford avait reçu l’instruction de ne pas aborder les questions de propriété intellectuelle et de mettre l’accent sur la gouvernance de l’Internet. M. Lessig a révélé cette information à des journalistes peu avant le Sommet de Tunis, se disant particulièrement sceptique quant aux résultats qui pourraient y être accomplis s’agissant des questions de propriété intellectuelle, qu’il juge primordiales. Il a ajouté que ces questions seraient traitées en marge de la table des négociations par ceux qui tiennent à garder la mainmise sur les politiques relatives à la propriété intellectuelle. La gouvernance de l’Internet était au centre des débats du Sommet de Tunis, en particulier la création d’un Forum sur la gouvernance de l’Internet et un compromis, qui a finalement abouti, sur le renforcement des mécanismes de gouvernance des organisations compétentes dans le but de promouvoir une plus grande participation des gouvernements. Tous les participants aux débats relatifs à la gouvernance de l’Internet se sont dits satisfaits et disposés à poursuivre les discussions. Toutefois, la propriété intellectuelle ne sera pas non plus à l’ordre du jour du nouveau Forum sur la gouvernance. Les acteurs du Sommet de Tunis sont convenus que le SMSI ne devait pas traiter des questions relevant de la compétence d’autres organismes. Le mot d’ordre était donc de laisser à l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) le soin de traiter des questions de propriété intellectuelle. Si les documents finaux du Sommet de Tunis font abondamment référence à la notion d’accès, ils la présentent essentiellement du point de vue de l’accès aux infrastructures. Ainsi, quatre points abordent avec circonspection les « nombreux problèmes rencontrés » pour « élargir la portée d’un contenu de l’information accessible » (paragraphe 15); l’amélioration de « l’accès aux connaissances sanitaires à l’échelle mondiale et aux services de télémédecine » (paragraphe 90.g) ainsi qu’aux « connaissances dans le domaine agricole » (paragraphe 90.i); et enfin le soutien aux « institutions à but éducatif, scientifique et culturel, notamment les bibliothèques, les archives et les musées, dans leur mission, qui consiste à élaborer et préserver des contenus variés et à offrir un accès équitable, ouvert et peu coûteux à ces contenus, y compris les contenus numériques, pour faciliter l’enseignement formel et informel, la recherche et l’innovation » (paragraphe 90.k). Déséquilibre croissant en faveur des détenteurs de droits de propriété intellectuelle Alex Byrne, président de la Fédération Internationale des Associations et Institutions de Bibliothécaires (IFLA), a expliqué que les bibliothécaires dans le monde entier percevaient « un déséquilibre croissant de la protection de la propriété intellectuelle en faveur des détenteurs de droits et au détriment des utilisateurs », ainsi qu’une « diminution du domaine public » qui, dans une certaine mesure, entrave de plus en plus l’accès aux œuvres dans les pays développés. Ces préoccupations ont été reléguées au second plan lors des débats engagés en séance plénière. M. Byrne, à l’instar des représentants de la communauté des logiciels libres et à code source ouvert, s’est exprimé lors de manifestations parallèles mises sur pied par des ONG, notamment dans le cadre d’un Groupe d’étude sur l’OMPI organisé par IP Justice et un Groupe d’étude sur les logiciels libres et à code source ouvert organisé par la Fondation pour le Logiciel libre. L’IFLA, la Fondation pour le Logiciel libre en Europe (FSFE), IP Justice et le Consumer Project on Technology soutiennent la proposition des 14 pays membres du groupe des Amis du développement qui prévoit la conclusion d’un traité sur l’accès aux connaissances dans le cadre du Plan d’action pour le développement en cours de négociation à l’OMPI. M. Philippe Petit, vice-directeur général de l’OMPI, a déclaré aux membres du Groupe d’étude sur l’OMPI que le plan d’action pour le développement était l’une des priorités de l’organisation pour 2006. Il n’a toutefois pas abordé ce point dans son discours en séance plénière. Il a précisé que l’OMPI s’employait déjà à mettre en œuvre le Plan d’action de Genève en renforçant la protection de la propriété intellectuelle dans les pays en développement. Les participants au Sommet ont encouragé l’OMPI à poursuivre les efforts consentis à cette fin. La question de la propriété intellectuelle n’est pas mentionnée dans les documents de Tunis et l’OMPI ne figure pas sur la liste des organisations du système des Nations Unies qui contribueront à la mise en œuvre des engagements pris au Sommet. Les logiciels libres et à code source ouvert systématiquement exclus des débats « Un certain nombre d’États et de grandes sociétés ayant participé à la première phase du Sommet ont tenté d’exclure systématiquement toute discussion sur la propriété intellectuelle et sur les logiciels libres », a déclaré Georg Greve, président de la Fondation pour le Logiciel libre. Et d’ajouter : « Ils agissent toujours comme si le monopole du savoir n’avait rien à voir avec sa diffusion ». Le Groupe de travail sur la gouvernance de l’Internet n’a présenté qu’un seul projet d’étude thématique traitant de propriété intellectuelle. Rédigé par l’un des membres du Groupe, le programmeur italien Vittorio Bertola, ce projet a été rejeté sous prétexte qu’il prêtait à controverse, selon plusieurs observateurs. « Tout au long du Sommet, tant à Genève qu’à Tunis, la question de savoir à qui appartenait la société du savoir a constamment été négligée », a déclaré Markus Beckedahl, fondateur de l’ONG Netzwerk Neue Medien, et fondateur et directeur de Newthinking communications, une agence spécialisée dans les logiciels libres et à code source ouvert. Par ailleurs, M. Beckedahl s’est vu décerner le Blog Award de Reporters sans frontières pour son blog « netzpolitik.org ». « Si l’objectif principal de ce processus était de créer une société de l’information ouverte à tous, ce Sommet s’est soldé par un échec » a-t-il conclu. Quant à M. Greve, il a déclaré : « Sachant ce que nous aurions pu réaliser dans le cadre de ce Sommet, on ne peut qu’être déçus du résultat ». Au cours de la première phase à Genève, les logiciels libres et à code source ouvert bénéficiaient d’une certaine reconnaissance, quoiqu’ils ne soient pas considérés comme des outils de prédilection pour le développement, comme l’avaient proposé notamment le Brésil, l’Inde et le Saint-Siège. M. Greve et les défenseurs des logiciels libres et à code source ouvert ont constaté que des sociétés telles que Microsoft s’étaient davantage investies dans les débats durant la seconde phase du Sommet. Plus de 70 représentants de la société Microsoft se sont rendus à Tunis, alors qu’ils n’étaient qu’une demi-douzaine au Sommet de Genève. En tant que sponsor officiel du Sommet, la société américaine a disposé d’un temps de parole au cours duquel M. Jean-Philippe Courtois, président de Microsoft International, a prôné « une protection rigoureuse de la propriété intellectuelle ». La société Microsoft a également provoqué de vives réactions en exigeant que des modifications soient apportées au document présenté par les organisateurs autrichiens du Sommet mondial sur la créativité, qui s’est tenu à Vienne en marge du Sommet de Tunis. Certains membres du Groupe d’étude, notamment le FSFE, des représentants du milieu musical autrichien et l’OMPI, sont parvenus à un compromis sur le rapport final – « un compromis difficile » selon M. Greve. Toutefois, les représentants de Microsoft ont obtenu les changements qu’ils avaient demandés alors même qu’ils ne faisaient pas partie du Groupe d’étude. Ces changements ont ensuite été intégrés au document final présenté à Tunis, sans que les membres du Groupe ne soient préalablement consultés. À l’origine, le passage en question était formulé comme suit : « De plus en plus, les bénéfices proviennent non pas de la vente de contenus et d’œuvres numériques, qui peuvent être diffusés librement à des coûts dérisoires, mais des services connexes. Le succès du modèle de logiciel libre en est un exemple probant, tout comme les licences telles que « Creative Commons », qui permettent de protéger certains droits tout en garantissant une utilisation et une diffusion à grande échelle. Les modèles de développement en collaboration, comme « Wikipedia », montrent également que l’argent n’est pas l’unique source de motivation dans la création de contenus de qualité. » Le document publié énonce désormais : « De plus en plus, les bénéfices proviennent de services connexes aux contenus. Les licences telles que « Creative Commons » permettent de protéger certains droits tout en garantissant une utilisation et une diffusion à grande échelle. Les modèles de développement en collaboration, comme « Wikipedia », montrent que l’argent n’est pas l’unique source de motivation dans la création de contenus de qualité. Afin d’assurer la continuité de l’innovation, le développement et l’utilisation de la gestion des droits numériques doivent rester volontaires et se soumettre aux lois du marché. » Lorsque M. Peter Bruck, professeur autrichien de journalisme, a indiqué que le document « révisé » avait été posté sur un blog, M. Greve a fait remarquer que le site en question ne comptait que quatre ou cinq visiteurs en deux mois et qu’il n’avait donc rien d’un site public. Malgré tout, les ONG peuvent se réjouir d’une chose : une personne au moins semble se soucier des questions de propriété intellectuelle. 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