Faible mouvement de protestation contre la révision de la loi suisse sur le droit d’auteur 31/03/2008 by Catherine Saez, Intellectual Property Watch Leave a Comment Share this:Click to share on Twitter (Opens in new window)Click to share on LinkedIn (Opens in new window)Click to share on Facebook (Opens in new window)Click to email this to a friend (Opens in new window)Click to print (Opens in new window)Par Catherine Saez Les nouvelles dispositions adoptées par la Suisse pour renforcer les droits des artistes interprètes, des producteurs et les diffuseurs en ligne apparaissent moins strictes que celles adoptées dans d’autres pays, selon certains observateurs. Pour certains activistes, toutefois, ces nouvelles dispositions portent atteinte aux droits des utilisateurs. Le 5 octobre, le Parlement fédéral a approuvé à une large majorité la modification de la loi sur le droit d’auteur. La nouvelle loi vise à transposer dans le monde numérique les droits dont jouissent les auteurs et les créateurs en interdisant tout contournement des mesures techniques servant à la protection des oeuvres, appelées gestion numérique des droits, et toute diffusion d’outils et de technologies susceptibles de favoriser un tel contournement. Elle approuve deux traités adoptés en décembre 1996 par l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI): le Traité sur le droit d’auteur, qui vise à assurer la protection des droits des auteurs sur leurs œuvres littéraires et artistique, et le Traité sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes (WPPT), qui vise à protéger les droits des artistes interprètes ou exécutants et des producteurs de phonogrammes. Selon l’Institut fédéral de la propriété intellectuelle (IPI), la loi va plus loin que les Traités de l’OMPI en adaptant la protection des droits d’auteur à l’environnement numérique. Un site Internet spécifique a été crée par l’IPI, qui a également lancé un vaste processus de consultation afin de recueillir diverses opinions concernant les propositions de modification de la loi. Des utilisateurs inquiets Certains utilisateurs d’Internet ont fait part de leur inquiétude concernant la modification de la loi sur le droit d’auteur, notamment un alinéa, qu’ils estiment ambigu et susceptible de porter atteinte aux droits des utilisateurs. Cet alinéa reconnaît aux utilisateurs le droit de contourner les mesures de protection techniques pour des besoins liés à une utilisation autorisée, notamment pour la réalisation de copies privées, et dans le même temps interdit la vente ou la distribution de dispositifs permettant de le faire. Selon Florian Bösch, développeur Web et auteur d’une pétition visant à faire invalider la loi par un référendum, une application stricte de la loi pourra déboucher sur l’interdiction pure et simple de toute tentative visant à briser les mesures techniques de protection, y compris pour effectuer des copies autorisées. Pour ses opposants, la nouvelle loi s’inscrit en droite ligne de la loi américaine sur le droit d’auteur à l’ère numérique dite Digital Millennium Copyright Act (DMCA) qui, selon l’encyclopédie Wikipedia, interdit la création et la diffusion d’outils technologiques ou de services permettant de contourner les mesures de protection à des documents protégés par des droits d’auteur et interdit tout contournement de ces mesures, même si aucun droit d’auteur n’est violé. La DMCA est généralement perçue comme étant favorable aux détenteurs de droits d’auteur. Des craintes injustifiées Vincent Salvadé, un juriste établi en Suisse et auteur d’un article sur les mesures techniques de protection publié dans le numéro de mars du journal en ligne Jusletter, dit ne pas s’attendre à des problèmes importants avec la nouvelle loi. Il précise que la loi fait référence à « des mesures techniques efficaces » propres à empêcher ou restreindre les utilisations non autorisées. Autrement dit, elle s’appliquerait aux systèmes permettant d’empêcher un utilisateur de poster un document sur un site P2P (peer-to-peer) et non pas aux mesures visant à limiter le nombre de copies qu’un utilisateur peut faire sur un système audio portable personnel. La référence à « des mesures techniques efficaces » permet, selon lui, de limiter la portée de l’alinéa en question (alinéa 3 de l’article 39a), la commercialisation d’outils ou de services permettant de contourner des mesures technique de protection non efficaces n’étant pas interdite. En conséquence, Vincent Salvadé considère que la pétition est sans fondement. Pour autant, il estime que la possibilité accordée aux utilisateurs de faire des copies privées constitue une exception, et non un droit, qui vise à protéger les auteurs et non les utilisateurs, a-t-il précisé. Techniquement, les deux interprétations sont possibles. Vincent Salvadé est d’avis qu’il sera possible aux utilisateurs de contourner les mesures techniques de protection pour réaliser des copies légales (copies privées ou copies autorisées par contrat). « Si un utilisateur parvient à contourner les mesures techniques de protection à des fins de copie privée, il ne sera pas passible de sanctions pénales », a t-il indiqué à Intellectual Property Watch. Pour autant, on ne peut, selon lui, exclure totalement l’hypothèse que la loi soit utilisée pour interdire tout contournement des mesures techniques de protection. Pour Norbert Bollow, président du Swiss Internet User Group (SIUG), qui n’a pas soutenu la pétition, la campagne en faveur du référendum n’était pas nécessaire. « En faisant pression sur le Parlement national, nous avons réussi à convaincre les politiciens de prendre nos craintes en considération », a t-il expliqué. Il a également estimé que si l’adoption de la loi avait été bloquée par un référendum, il aurait fallu reprendre tout le processus politique à zéro avec le risque que l’industrie de la musique et du film défendent ses intérêts de manière encore plus efficace. « Le problème est moins important que dans beaucoup d’autres pays, » a indiqué Norbert Bollow qui a ajouté que, même si dans sa nouvelle mouture la loi est préjudiciable aux intérêts des consommateurs, elle n’empêchera pas le développement des logiciels libres et de l’open source. Une question d’équité Florian Bösch n’en considère pas moins que la loi n’est pas équitable. « La loi suisse et la DMCA ont le même objectif: rendre le contournement des mesures de protection anti-copie plus difficile pour le consommateur », a-t-il indiqué. « Elle accorde aux producteurs de contenu un avantage unilatéral dont le coût est supporté sur le consommateur. » Bien que les mesures de protection ont été conçues pour protéger les détenteurs de droits d’auteur, ce sont les fournisseurs de contenus bénéficiant d’une licence qui les utilisent le plus, selon Florian Bösch. Vincent Salvadé est d’accord sur le fait que la nouvelle loi sert les intérêts des fournisseurs de contenu , mais considère qu’ils doivent pouvoir protéger leurs services. Selon l’Institut fédéral de la propriété intellectuelle, « Le législateur était conscient des conséquences qui pouvaient résulter de l’application de l’alinéa 3 s’agissant du contournement des mesures de protection anti-copie aux fins d’utilisations licites. C’est pourquoi, il a institué un observatoire chargé d’observer les effets des mesures techniques de faire régulièrement rapport au Conseil fédéral. Des mesures pourront être proposées, y compris une proposition d’amendement à la loi, s’il apparaît que la loi porte atteinte aux intérêts des utilisateurs et des consommateurs », a t-il indiqué. La Société suisse pour les droits des auteurs d’œuvres musicales (SUISA), qui a été consultée lors du processus de modification de la loi, a défendu le principe de liberté en matière de copies privées, a précisé un responsable de la Société. SUISA n’a fait aucune commentaire ni n’a pris officiellement position concernant la nouvelle loi, » a-t-il ajouté. La pétition a été lancée en décembre 2007 par Florian Bösch. L’objectif était de récolter quelque 50°000 signatures. La législation suisse permet aux citoyens qui s’oppose à l’entrée en vigueur d’une loi adoptée par le Parlement fédéral de demander un référendum. Si 50000 signatures sont récoltées dans un délai de 100 jours suivant l’adoption de la loi, celle-ci devra être soumise à un vote populaire. Ce référendum est qualifié de référendum facultatif. La pétition n’a recueilli que 803 signatures. Florian Bösch voit quatre raisons à cet échec. le lancement tardif de la pétition, le manque de soutien politique ou de soutien de la part de l’industrie ou des organisations de consommateurs, le manque d’expérience des pétitionnaires et le fait qu’il s’agit d’un sujet technique qu’il est difficile d’expliquer au grand public. Le Conseil fédéral doit encore se prononcer sur la date d’entrée en vigueur de la nouvelle loi ; la date du 1er juillet 2008 a été proposée. 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