Les accords bilatéraux entre l’UE et les pays en développement suscitent des inquiétudes 02/10/2007 by William New, Intellectual Property Watch Leave a Comment Share this:Click to share on Twitter (Opens in new window)Click to share on LinkedIn (Opens in new window)Click to share on Facebook (Opens in new window)Click to email this to a friend (Opens in new window)Click to print (Opens in new window)Par David Cronin pour Intellectual Property Watch BRUXELLES – L’inquiétude grandit en Europe et dans les pays en développement concernant la possibilité qu’un certain nombre d’accords de libre échange qui devraient être signés dans le courant de l’année contienne des règles excessivement sévères sur la propriété intellectuelle. La Commission Européenne, l’organe exécutif de l’Union Européenne, suggère que les Accords de Partenariats Economiques qu’elle souhaite conclure avec 76 pays de la région Afrique Caraïbes Pacifique (ACP) avant le 31 décembre engagent tous les signataires à un strict renforcement des droits de propriété intellectuelle. La réflexion de la Commission qui est à l’origine de ses efforts pour intégrer des clauses de propriété intellectuelle dans les accords commerciaux qu’elle conclut avec des pays en dehors de l’UE fut révélée dans une « stratégie d’accès aux marchés » publiée en avril. Celle-ci identifiait une « mauvaise protection » des droits de propriété intellectuelle comme étant un des principaux obstacles au commerce pour les entreprises européennes tentant de s’implanter à l’étranger. La démarche de la Commission est accueillie avec scepticisme par les militants contre la pauvreté ainsi que par les diplomates des pays ACP qui craignent que ces mesures soient un moyen d’ouvrir de façon forcée les pays en voie de développement à des firmes étrangères au détriment de l’industrie locale. Dalindyebo Shabalala, du Centre International pour le Droit Environnemental (CIEL) à Genève, explique que les pays en développement devraient avoir des normes de propriété intellectuelle adaptées à leurs spécificités propres : « Ce qui se négocie dans les réunions de l’APE (Accords de Partenariats Economiques) sont les normes européennes ». Les négociateurs européens ont par exemple indiqué que les pays ACP devraient avoir à se plier aux conditions du Traité sur le Copyright et du Traité sur les Interprètes et Phonogrammes de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI), communément appelés les « traités Internet », tous deux entrés en vigueur en 2002. M. Shabalala prévoit que cette clause aura pour conséquence de limiter les pays en développement dans leur utilisation d’Internet avant même que nombre d’entre eux aient eu l’occasion d’en explorer pleinement les possibilités. Il est injustifié, s’indigne-t-il, d’appliquer ce standard avec la même rigueur à tous les pays ACP, étant donné les disparités de développement industriel pouvant exister entre les pays. « En Afrique du Sud, une grande partie de la population a accès à Internet et commence à partager de la musique et à créer des blogs » explique-il. « Mais dans la région Pacifique, le taux de pénétration d’Internet est très faible. Comment se fait-il que l’on propose la même protection de copyright à la région Pacifique et à la région sud-africaine ? » De même, l’UE a recommandé que les règles étendues de propriété intellectuelles soient appliquées aux bases de données. Selon M. Shabalala, ceci pourrait vouloir dire que des données provenant des gouvernements telles que des informations géographiques potentiellement utiles au développement industriel ne seraient désormais plus en accès libre dans les bibliothèques et centres d’éducation. D’après Marc Maes, chargé des politiques commerciales européennes de l’organisation Belge 11.11.11, les dirigeants européens ont “copié/collé” d’importants passages de la directive de l’UE sur le renforcement des droits de propriété intellectuelle dans les propositions des APE. Mise en avant par la Commission en 2004, son but était de punir plus facilement les contrevenants à ces brevets. « Il est demandé aux pays ACP de se rallier à la démarche de l’UE concernant la régulation et dérégulation du commerce international, sans se préoccuper de savoir quels sont les pays qui peuvent ou non s’engager à ses côtés, » explique M. Maes. Selon Peter Power, porte parole en charge du commerce pour la Commission Européenne, l’UE cherche à assister les pays ACP dans l’application des règles établies dans l’Accord de Organisation Mondiale du Commerce sur les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce (ADPIC). « Il s’agit ici de promouvoir l’innovation et le développement tout en préservant les droits d’accès des pays ACP aux ressources telles que la biodiversité et les récoltes de cultures locales, et non pas d’essayer d’établir des normes plus strictes ou des clauses supplémentaires relatives à la protection de la propriété intellectuelle. » explique-t-il. « Ces questions sont complexes, mais le problème fondamental réside dans un manque de droits de propriété intellectuelle solidement établis plutôt que dans leur introduction, » poursuit-il. « Leur absence agit comme un frein au développement car les entreprises et instituts de recherche qui ont des droits sur les technologies et informations hésitent à les publier ou les breveter s’ils ne sont pas protégés. Ceci s’applique aussi bien aux logiciels informatiques qu’aux technologies agroalimentaires. Les opérateurs moins scrupuleux exploitent également des failles et profitent de ressources provenant de l’ACP sans apporter de bénéfices en contrepartie. » M. Power ajoute qu’« il y a aussi des avantages potentiels pour le marché » dans la zone ACP si l’on introduit des règles relatives aux indications géographiques qui concerneraient les appellations de produits alimentaires, boissons et autre produits associés avec des régions spécifiques. En effet, « ces règles protègent des appellations de produits tels que le café Jamaïcain Blue Mountain et permettent aux producteurs de vendre à des prix plus élevés ». Questions relatives à la sécurité alimentaire et à l’accès aux médicaments. Les Accords de Partenariats Economiques appliqueraient la protection de la propriété intellectuelle au développement de nouvelles espèces de semences effectué par des firmes multinationales. Ces mesures sont critiquées par les écologistes qui pensent qu’elles seraient défavorables aux petits producteurs utilisant des variétés de semences traditionnelles et auraient des effets néfastes sur la préservation du milieu naturel et la biodiversité. “Nous observons la privatisation de nombreuses semences et de savoir agricole,” déplorait Charly Poppe, de l’antenne Bruxelloise de l’ONG britannique Friends of the Earth. « Le savoir ancestral est confié à de grands groupes qui s’approprient le droit de vente de semences à l’avenir. » L’intégration de clauses de propriété intellectuelle dans les accords de libre échange pourraient également aller à l’encontre des efforts contre le réchauffement climatique, ajoutait M. Poppe, car cela pourrait dissuader les pays en développement de fabriquer des systèmes d’énergies renouvelables qui soient brevetés en Europe. « L’Union Européenne est très compétitive dans le développement de nouvelles technologies écologiques qui sont très chères à l’achat pour les pays en développement » explique-t-il. « Les droits de propriété intellectuelle sont employés au profit des industries européennes, mais ceci pourrait être une entrave au transfert de technologies dont on a grandement besoin pour faire face au réchauffement climatique. » D’autres s’inquiètent quant à la protection des brevets pharmaceutiques par les clauses de propriété intellectuelle, qui ne seraient pas accompagnées de mesures visant à protéger la santé publique et l’accès aux médicaments de base. D’après M. Shabalala, sous ces conditions, une entreprise pharmaceutique détenant un brevet pour un médicament particulier pourrait demander une injonction sur les exportations de versions génériques de ce médicament vers un pays ACP. « Les douanes seraient dans l’obligation de confisquer et mettre ces produits sous clé. » Junior Lodge, fonctionnaire jamaïcain représentant différents gouvernements des Caraïbes aux pourparlers des APE, déclarait que la Commission Européenne utilise les APE comme un moyen pour, plus généralement, remporter autant de parts de marché que possible pour les firmes occidentales. Il avance que la Commission tente de réduire le pouvoir de décision des pays en voie de développement et leur capacité à présenter leurs propres politiques concernant des questions relatives à leurs économies nationales. « Elle [la Commission] cherche à appliquer des règles plus strictes sur les droits de propriété intellectuelle et la concurrence dans tous les pays en développement, » dénonce-t-il. « Nous sommes farouchement opposés à cela. » Paul Goodison, de l’ERO (Bureau de Recherche Européen), qui surveille les relations commerciales entre l’UE et les pays en développement, explique que la stratégie d’accès aux marchés de la Commission est conçue pour aller au delà des règles établies sur les entraves au commerce, y compris celles relatives à la propriété intellectuelle qui furent déterminées au niveau de l’OMC. D’après M. Goodison, la Commission pourrait bien chercher à avoir des clauses similaires lors de futurs accords portant sur des marchés potentiellement plus lucratifs tels que ceux de l’Inde et du Brésil. « Les pays ACP sont le point faible, » explique-t-il. « S’ils signent à ces conditions, la Commission pourra alors dire ‘si les pays les moins développés sont d’accord sur ces termes, pourquoi le Brésil devrait-il avoir à s’inquiéter ?’ Il y a à la Commission de très bons négociateurs qui ont très bien compris cela. » Cependant, d’après Ilias Konteas, du groupe de pression patronal Business Europe, la stratégie de la Commission est la bonne dans les grandes lignes. « Sur le principe, nous pensons que des systèmes d’application de la propriété intellectuelle solidement établis seront également positifs pour les pays en développement, » avance-t-il. « Ceux-ci faciliteront le transfert de technologie des pays industrialisés vers ces pays en développement et auront un effet positif dans le développement de leur capacité d’innovation. » Share this:Click to share on Twitter (Opens in new window)Click to share on LinkedIn (Opens in new window)Click to share on Facebook (Opens in new window)Click to email this to a friend (Opens in new window)Click to print (Opens in new window) Related "Les accords bilatéraux entre l’UE et les pays en développement suscitent des inquiétudes" by Intellectual Property Watch is licensed under a Creative Commons Attribution-NonCommercial-ShareAlike 4.0 International License.