Des craintes surgissent quant à l’éventuelle création d’une Organisation panafricaine de propriété intellectuelle 24/09/2007 by William New, Intellectual Property Watch 1 Comment Share this:Click to share on Twitter (Opens in new window)Click to share on LinkedIn (Opens in new window)Click to share on Facebook (Opens in new window)Click to email this to a friend (Opens in new window)Click to print (Opens in new window)par Tove Iren S. Gerhardsen Bien qu’il n’en soit qu’à un stade embryonnaire, le projet de créer une Organisation panafricaine de propriété intellectuelle (OPAPI) se heurterait déjà à des oppositions, notamment inspirées par la crainte de voir l’Afrique s’engager sur des niveaux de protection de propriété intellectuelle plus stricts que ce que le continent n’est prêt à assumer, ont indiqué certaines sources. Certains acteurs redoutent également que l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) et l’Union africaine (UA) cherchent à accélérer le processus dans l’intention de créer une organisation panafricaine unique. L’OPAPI viendrait donc remplacer les deux organisations régionales actuelles, à savoir l’Organisation régionale africaine de la propriété industrielle (ARIPO), qui compte 16 États membres parmi les pays anglophones (anciennes colonies britanniques, siège au Zimbabwe) et l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI), qui compte 16 États membres parmi les nations francophones et dont le siège est au Cameroun. Un expert africain de propriété intellectuelle a confié à Intellectual Property Watch que la question pourrait « éventuellement » faire l’objet de discussions lors de l’Assemblée générale de l’OMPI en septembre. Une source proche de l’Union africaine a toutefois indiqué que l’UA n’avait pas demandé à l’OMPI de faire figurer cette question à l’ordre du jour. Une source d’un pays en développement a indiqué à Intellectual Property Watch que « le Secrétariat de l’OMPI, ainsi que le Secrétariat de l’UA [Union africaine], sont les organes qui demandent la création de l’OPAPI et souhaitent ainsi étendre le modèle de l’OAPI / ARIPO – toutes deux contrôlées par l’OMPI – à l’ensemble du continent africain. Ceci serait une manière de réduire considérablement les prises de position indépendantes de certains pays influents non-membres de l’OAPI / ARIPO, tels que l’Afrique du sud, l’Egypte [et] l’Algérie, sur les questions de propriété intellectuelle au niveau international, notamment dans les débats sur le Plan d’action pour le développement à l’OMPI. » Une source proche de l’Union africaine a confirmé que l’OMPI et l’UA ont collaboré sur l’OPAPI à un « niveau technique ». En plus de consultations avec l’OMPI, la source a indiqué que l’UA serait également entrée en contact avec l’ARIPO et l’OAPI pour discuter des objectifs et des fonctions de l’OPAPI. L’expert africain a insisté sur le fait que l’OMPI n’avait pas été impliquée, mais il a toutefois reconnu que des rencontres informelles avaient eu lieu. D’après lui, un représentant de l’OMPI aurait récemment affirmé que l’OMPI était prête à apporter son soutien à l’UA pour conduire les études requises à condition que l’OMPI soit « formellement consultée ». L’idée qui sous-tend la création de l’OPAPI est décrite dans un document de réflexion (EXT/AU/EXP/ST/8(II)) présenté par l’Union africaine à l’issue de la réunion extraordinaire de la Conférence des ministres africains chargés de la science et de la technologie (AMCOST) qui s’est déroulée du 20 au 24 novembre 2006 au Caire. D’après ce document, l’idée serait née lors d’une rencontre en mai 2006 à laquelle l’OMPI aurait participé. Ce document indique par ailleurs que « l’Afrique a besoin d’un mécanisme qui facilite les changements de grande portée dans le système de propriété intellectuelle », ajoutant qu’il est nécessaire d’« établir un nouveau mécanisme décisionnel qui implique la participation de tous les États membres ». L’OPAPI recevrait donc le mandat suivant : établir des normes de propriété intellectuelle qui reflètent les besoins des États membres ; fixer des repères concernant les meilleures pratiques ; promouvoir la croissance des économies basées sur le savoir en Afrique ; faciliter la rationalisation et l’harmonisation des normes de propriété intellectuelle ; rassembler et transmettre l’information liée aux questions de propriété intellectuelle ; faciliter l’utilisation des informations pertinentes, promouvoir la formation et renforcer les capacités. La source proche de l’Union africaine a laissé entendre que l’OPAPI fonctionnerait comme une « organisation indépendante chapeautée par l’UA », et comme une « importante organisation » qui regrouperait non seulement les États de l’OAPI et de l’ARIPO, mais également les États non-membres de l’Afrique du Nord. Bien qu’on semble ignorer le stade d’avancement du projet de l’OPAPI, un certain nombre d’acteurs se disent préoccupés, parmi eux l’ARIPO et l’OAPI, ont indiqué certaines sources. À elles deux, ces organisations regroupent 32 des 53 États de l’Union Africaine, 21 pays, pour la plupart situés au nord, ne faisant ainsi partie d’aucune de ces deux organisations. Licenciement et bases légales : sujets d’inquiétudes Un avocat sud-africain a confié à Intellectual Property Watch que l’ARIPO n’est pas « satisfaite » de l’organisation proposée. L’Organisation régionale africaine craindrait « les licenciements ». L’avocat a ajouté que personne n’est tenu informé de l’avancée du projet qui – semblerait-il – se formerait au niveau gouvernemental. D’après ses observations, on ignore si la création de l’OPAPI pourrait devenir réalité dans un avenir proche, ou si, au contraire, cela prendrait des années. L’Afrique du Sud, qui ne fait partie d’aucune des deux organisations, n’adhérera « probablement pas » à l’OPAPI étant donné que des praticiens craignent de voir leur charge de travail diminuer, a-t-il conclu. M. Gift Sibanda, Directeur général de l’ARIPO, a indiqué à Intellectual Property Watch que l’organisation ne s’oppose pas au concept de l’OPAPI, mais que sa création entraînerait quelques ennuis au niveau légal. « Certains redoutent que la création d’une telle institution ne prenne du retard si aucune étude minutieuse n’est réalisée sur ses implications », a affirmé M.Sibanda. « Les craintes sont principalement de nature juridique, notamment au vu du sort réservé aux droits de propriété intellectuelle déjà existants ainsi que des lois prévues pour l’administration de ces droits. » « Ces deux organisations régionales ont entamé un processus visant à harmoniser leurs législations il y a longtemps déjà ; elles connaissent donc bien certains problèmes liés à la création d’une telle organisation », a-t-il ajouté. M.Sibanda n’a pas donné l’impression de croire à une création rapide de l’OPAPI et d’après lui, le projet serait toujours entre les mains de l’Union africaine. « Le projet n’est encore qu’une ébauche ; aucune décision concrète n’a été prise quant aux modalités d’une telle organisation, à l’exception d’une décision sur la création de l’OPAPI par les chefs d’États et de gouvernements de l’Union africaine en janvier 2007. A mon avis, les questions de financement ne seront abordées qu’une fois ces modalités traitées. Actuellement, l’étude est sous les auspices de l’Union africaine », a-t-il conclu. L’OMPI n’a pas souhaité s’exprimer sur la question. D’après Carolyn Deere, directrice du Programme de gouvernance sur le système commercial international à l’Université d’Oxford, le projet d’une coopération régionale plus forte ne doit pas détourner l’attention d’un autre élément fondamental, à savoir le renforcement des capacités nécessaires à l’échelon national pour garantir que les lois de propriété intellectuelle contribuent à la réalisation des objectifs de politique publique nationale d’une part, et pour surveiller étroitement les organisations régionales d’autre part. S’appuyant sur une étude récente des processus décisionnels en matière de propriété intellectuelle dans la région de l’OAPI, Carolyn Deere poursuit : « le risque est de voir les secrétariats régionaux devenir les agents des donateurs internationaux et des détenteurs des droits de propriété intellectuelle qui financent leurs propres opérations plutôt que celles des États membres. » « L’accent que met l’UA sur l’importance d’une coopération régionale plus forte dans les sciences, les technologies et l’innovation justifie un solide appui », indique-t-elle. Rappelant que l’ARIPO et l’OAPI ont déjà reçu des plaintes importantes provenant d’États membres sur leur manque de transparence, elle conclut : « de nombreux gouvernements dans la région manquent des ressources humaines et techniques nécessaires pour garantir une surveillance des activités des organisations de propriété intellectuelle régionales. » Le processus peine à progresser bien qu’on souhaite l’accélérer Lors d’une réunion de l’Assemblée générale de l’UA en janvier dernier, les chefs d’États « sont convenus de créer l’OPAPI » et « d’accélérer le processus » en consultant l’OMPI et d’autres acteurs, a indiqué la source proche de l’UA. Selon l’expert en propriété intellectuelle, l’UA aurait consulté l’OAPI et l’ARIPO mais les travaux n’auraient pas progressé lors de la onzième session ordinaire du Conseil exécutif de l’UA qui s’est tenue à Accra (Ghana) les 28 et 29 juin 2007. L’expert africain a affirmé « qu’il n’y avait aucune nouveauté en la matière ». Il a par ailleurs souligné que le processus de création de l’OPAPI rencontrait une forte opposition et qu’il ne fallait sans doute pas s’attendre à ce que l’OPAPI devienne fonctionnelle au cours des dix prochaines années. L’une des problématiques est que l’OAPI s’est dotée d’une loi régionale de propriété intellectuelle qui s’applique à l’ensemble de ses 16 États membres et offre une protection régionale pour la plupart des droits de propriété intellectuelle. L’ARIPO, elle, ne s’est pas dotée d’une loi régionale. Elle cherche plutôt à faciliter l’administration des lois de propriété intellectuelle nationales par le biais de la coopération entre ses membres, notamment en regroupant leurs ressources humaines et financières. On ignore lequel de ces deux systèmes « diamétralement opposés » l’OPAPI adopterait, a indiqué l’expert. D’après la source d’un pays en développement, le fait que la recommandation de l’OPAPI provienne de ministres des sciences pose problème étant donné que la propriété intellectuelle est sous la juridiction d’autres ministères tels que le ministère du commerce, de l’industrie et de la culture. L’expert a indiqué que les ministres des sciences réunis au Caire espéraient s’appuyer sur la propriété intellectuelle pour promouvoir les résultats de la Recherche en Afrique. Le document de réflexion de 2006, élaboré au cours de la rencontre au Caire, a été présenté à l’OMPI ainsi qu’à ses États membres au cours de la réunion du Comité provisoire sur les propositions relatives à un plan d’action de l’OMPI pour le développement (PCDA) qui s’est tenue du 19 au 23 février 2007 (IPW, WIPO, 16 February 2007), a déclaré l’expert africain. D’autres observateurs ont également l’impression que les plans de l’OPAPI n’ont pas réellement progressé pour l’instant. Molly Torsen, vice-présidente de l’Institut international de propriété intellectuelle, a confié à Intellectual Property Watch : « À mon avis, ce projet n’a pas reçu l’attention suffisante pour qu’il puisse bénéficier d’un réel soutien financier et/ou d’un élan organisationnel.» Lors d’une conférence, la vice-présidente a affirmé qu’en matière de propriété intellectuelle, « il n’existe pas de plan taillé sur mesure pour l’Afrique ». Elle a notamment invoqué les ressources limitées du continent pour favoriser la coopération régionale en prenant l’exemple de la barrière des langues (1 000 à 1 500 langues régionales et 8 000 dialectes) et des limitations géographiques. Carolyn Deere a insisté sur la nécessité d’adopter une approche nuancée concernant la protection de propriété intellectuelle au vu des différents niveaux de développement des pays à l’intérieur de la région. « Dans le cas de l’OAPI, la leçon est claire : son cadre légal régional ne parvient pas à appliquer des traitements différenciés à ses membres des pays les moins avancés (PMA). De nombreux bénéfices qu’ils auraient pu tirer de la période de transition dans les ADPIC leur ont ainsi échappé », a-t-elle conclu. Les pays membres de l’ARIPO sont les suivants : Botswana, Gambie, Ghana, Kenya, Lesotho, Malawi, Mozambique, Namibie, Sierra Leone, Soudan, Swaziland, Tanzanie, Ouganda, Zambie et Zimbabwe. Les membres de l’OAPI sont le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, la République Centre-africaine, le Congo, la Côte d’Ivoire, la Guinée équatoriale, le Gabon, la Guinée, la Guinée Bissau, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Sénégal, le Tchad et le Togo. Parmi les États non-membres, nous trouvons par exemple le Maroc et la Tunisie, indique Mme Torsen, Tous deux sont membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et font partie de plusieurs accords internationaux de propriété intellectuelle. Vous pouvez contacter Tove Gerhardsen à l’adresse suivante : info@ip-watch.ch. Share this:Click to share on Twitter (Opens in new window)Click to share on LinkedIn (Opens in new window)Click to share on Facebook (Opens in new window)Click to email this to a friend (Opens in new window)Click to print (Opens in new window) Related "Des craintes surgissent quant à l’éventuelle création d’une Organisation panafricaine de propriété intellectuelle" by Intellectual Property Watch is licensed under a Creative Commons Attribution-NonCommercial-ShareAlike 4.0 International License.
TAMO DAVID says 25/02/2008 at 7:41 pm Il s’agit d’un debat très intéressant à l’heure de la mondialisation pour lequel j’entends participer Reply