Premiers pas d’un plan R&D sur les maladies négligées à l’OMS 21/12/2006 by Tove Iren S. Gerhardsen for Intellectual Property Watch Leave a Comment Share this:Click to share on Twitter (Opens in new window)Click to share on LinkedIn (Opens in new window)Click to share on Facebook (Opens in new window)Click to email this to a friend (Opens in new window)Click to print (Opens in new window)Par Tove Iren S. Gerhardsen A l’occasion d’une rencontre qui s’est tenue du 4 au 8 décembre, réunissant des Etats membres de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et d’autres parties prenantes, un groupe de travail a jeté les bases d’une discussion à grand échelle sur un plan d’action mondial relatif à la distribution de médicaments destinés à soigner les maladies touchant essentiellement les pays pauvres. Le processus sera poursuivi en 2007, et une nouvelle rencontre intergouvernementale est prévue pour octobre. Un rapport sur le sujet devra être remis au conseil exécutif de l’OMS en janvier 2007, et des réunions régionales se tiendront périodiquement d’ici à la prochaine rencontre intergouvernementale. Enfin, d’après des sources de l’OMS, un rapport final devra être mis sur pied et soumis à l’Assemblée mondiale de la santé en mai 2008. Cette rencontre a été la première du groupe de travail intergouvernemental sur la santé publique, l’innovation et la propriété intellectuelle (IGWG). Au terme de la réunion, les avis étaient partagés, certains faisant part de leur déception vis-à-vis des maigres résultats obtenus. L’opposition nord-sud habituelle ne semble pas s’appliquer clairement à la dynamique de ce groupe de travail. Le président du groupe de travail, le Canadien Peter Oldham, a déclaré au terme de la rencontre que «quelques progrès» avaient été faits, «peut-être pas autant que nous aurions pu espérer», ajoutant que le programme était «très condensé». Le président a été complimenté par un certain nombre de représentants dans des interviews, notamment par le représentant de la délégation thaï, Dr Viroj Tangcharoensathien, qui a rendu hommage à l’impartialité du président, «qui a su prendre en compte les différents points de vue». Les pays en développement ont œuvré durant la semaine à ce que les thématiques importantes pour eux soient replacées au centre des débats, en dépit de ce que certaines sources ont qualifié de pressions exercées préalablement par les Etats-Unis [voir article sur le sujet], et d’une représentation inéquitable en faveur des pays développés. Sur les 193 Etats membres de l’OMS, pas moins de 95 Etats parmi les pays en développement ou les pays les moins avancés n’étaient pas représentés. Deux représentants de pays développés ont fait remarquer qu’il s’agissait de la première réunion portant sur des thématiques controversées et que, à ce titre, l’on pouvait considérer que le processus était sur la bonne voie. Bien que quelque peu déçu par le résultat, l’un d’eux s’est réjoui de la «bonne volonté» qui a prédominé tout au long des débats, ajoutant qu’«il resterait beaucoup à faire dans les 12 prochains mois». Un autre délégué d’un pays développé a déploré qu’aucun accord n’ait été trouvé. Un participant a déclaré que, dans la perspective des pays en développement, cette première étape n’était pas entièrement satisfaisante, mais s’est réjoui de l’élan donné par certains gouvernements. Tous les avis ne sont toutefois pas aussi optimistes : un délégué a qualifié la rencontre de «désastre total, précisément comme ils l’entendaient.» «La situation est délicate, mais nous parviendrons à un bon résultat», a affirmé un représentant d’un pays développé. Les pays développés semblaient partagés sur l’ordre de priorité à définir entre les trois grands domaines du mandat du groupe: la santé publique, les droits de propriété intellectuelle et l’innovation. Elil Renganathan, du secrétariat du groupe de travail de l’OMS, a déclaré à Intellectual Property Watch que la réunion avait permis de fournir un cadre à des discussions qui, pour la première fois, portaient en même temps sur l’innovation et sur l’accès aux médicaments. Débuts difficiles pour un plan d’action ambitieux Le groupe a été chargé par l’Assemblée mondiale de la santé en mai de développer une stratégie et un plan d’action mondiaux pour la distribution de médicaments destinés à soigner les maladies affectant en premier lieu les pays pauvres, basés sur les recommandations de la Commission de l’OMS sur les Droits de Propriété Intellectuelle, l’Innovation et la Santé Publique (CIPIH). Le mandat du groupe était de «fournir un cadre à moyen terme fondé sur les recommandations de la Commission», d’après la résolution WHA59.24. Suite aux discussions qui ont eu lieu dans le cadre de la rencontre, un document a été établi, intitulé «Eléments d’une stratégie et d’un plan d’action mondiaux, Progrès réalisés jusqu’ici par le groupe de travail intergouvernemental» [A/PHI/IGWG/1/5]. La suite du processus sera basée sur ce document, un condensé de différents documents et des thématiques abordées. L’OMS publiera sur son site les déclarations d’Etats membres formulées après la rédaction du document, de manière à ce que tous les points de vue puissent être exprimés. Les déclarations doivent être transmises par écrit avant le mois de février. L’OMS rédigera d’ici à juin 2007 un nouveau document se voulant le reflet des points de vue des différents Etats membres, portant à la fois sur la stratégie et sur le plan d’action. Le document contient des éléments pour un plan d’action mondial, y compris pour la définition d’un ordre de priorité des besoins concernant la recherche-développement, la promotion de la recherche-développement, le renforcement et l’amélioration de la capacité d’innovation, le transfert de technologie, la gestion de la propriété intellectuelle, l’amélioration de la distribution et de l’accès, l’existence de dispositifs de financement durables et la mise en place de systèmes de surveillance et de notification. Il porte également sur une stratégie mondiale, qui propose notamment de «mettre la propriété intellectuelle au service de la santé.» Sur cette base, le «bureau», constitué de la présidence (Amériques) et des cinq co-présidences régionales, à savoir le Kenya (Afrique), la Libye (Méditerranée orientale), les Pays-Bas (Union européenne), l’Inde (Asie du sud-est) et Singapour (Pacifique occidental), enverra un bref rapport au Conseil exécutif de l’OMS en janvier 2007. Les discussions se poursuivront vraisemblablement également dans le cadre de réunions régionales, des pays tels que le Brésil et le Canada souhaitant expressément que les efforts soient soutenus. Toutefois, le groupe de travail ne sera pas en mesure de formuler des mesures concrètes immédiates relevant du plan d’action, bien que l’Assemblée lui en ait confié le mandat dans sa résolution d’origine. Certains pays avaient mis au point certaines propositions, notamment le Brésil, la Suisse (qui avait organisé une rencontre séparée avec plusieurs Etats de différents horizons) et la Thaïlande, mais, d’après l’OMS, le groupe n’a pas eu le temps de dresser un document écrit sur les actions à mettre en œuvre rapidement. Le degré de préparation des participants à la réunion s’est révélé fort hétérogène. Alors que certains Etats avaient dépêché des représentants des départements de la santé, des affaires étrangères ou du développement, d’autres n’avaient rien préparé du tout. Un représentant non gouvernemental a même estimé qu’«aucune des parties», en parlant du secrétariat de l’OMS et des délégations (citant l’Union européenne, qui semblait exprimer différentes opinions), ne paraissait s’être préparée, un constat inacceptable au vu de la somme investie : 600 000 $, d’après une source de l’OMS. Impasse sur des recommandations clés de la CIPIH Au cours de la semaine, les pays en développement ont su faire en sorte qu’une grande partie des thématiques déterminantes pour leurs populations, articulées en particulier autour de la relation entre la propriété intellectuelle et les médicaments, soient formulées dans le document de base préparé préalablement par l’OMS. M. Renganathan a déclaré que l’OMS avait dû limiter le nombre de recommandations de la CIPIH (60 à la base) à un «chiffre plus raisonnable» et revoir à la baisse le nombre de points du plan d’action. La sélection s’est opérée sur la base du principe de faisabilité, dans une optique à moyen terme couvrant les dix prochaines années. L’OMS avait préparé le document en collaboration avec ses six bureaux régionaux, a-t-il ajouté. Le Brésil a formulé son désaccord vis-à-vis du processus vers la fin de la rencontre, regrettant que la base de discussion élaborée dans le document du 7 décembre n’aborde pas des thématiques clés telles que le prix des médicaments, la mise en commun de brevets («patent pooling») et l’accès à la santé en tant que droit humain fondamental. Quasiment toutes les recommandations de la CIPIH soumises par le Brésil dans le cadre d’un document remis au cours du processus de consultation – qui a eu lieu du 1er au 15 novembre – ont été rejetées, à en croire un rapport officieux rédigé par les Pays-Bas. «Tout ce qui était important pour le Brésil n’a pas trouvé d’écho dans le document final», a confié Sabina Voogd, haute conseillère en politique du Ministère néerlandais des Affaires étrangères, à Intellectual Property Watch. Une trentaine de documents a été soumis à l’OMS dans le cadre de la procédure de consultation en ligne, la plupart formulant des solutions alternatives au système actuel qui consiste à utiliser les droits de propriété intellectuelle comme un mécanisme d’incitation aux activités de recherche-développement dans le domaine de la santé. Les propositions provenaient de manière relativement équilibrée de groupes industriels, de groupes non gouvernementaux, de partenariats public-privés, de milieux universitaires et autres, ainsi que d’au moins deux gouvernements. [Voir article sur le sujet sur www.ip-watch.org, 16 novembre 2006.] Madame Voogd a déclaré que les thématiques mises en avant dans la proposition du Brésil, telles que le transfert de technologies vers les pays en développement conformément à l’article 7 de l’accord de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC), l’exception d’«exploitation rapide» et l’encouragement de l’entrée sur le marché de produits génériques à l’expiration des brevets, la réglementation de l’exclusivité des données sur les essais cliniques qui retardent l’entrée sur le marché de produits génériques et le contrôle du respect du critère de brevetabilité, n’ont pas été reprises dans le document original. Un grand nombre de ces mesures ont été réintroduites dans les discussions au cours de la semaine, y compris les astuces de langage consistant à éviter les clauses «ADPIC-plus» conclues dans le cadre d’accords commerciaux bilatéraux (au-delà des exigences de l’ADPIC), les références à l’article 66.2 de l’accord ADPIC sur le transfert de technologies et le système d’«exploitation rapide» pour les produits génériques. Pour Sabina Voogd, il est incompréhensible que le secrétariat de l’OMS n’ait pas simplement dressé la liste des recommandations de la CIPIH ou indiqué à l’aide de références numérotées les recommandations qui ont été incluses dans le document. Plusieurs sources ont affirmé que le Groupe africain et des membres tels que la Thaïlande et le Kenya avaient œuvré pour que d’autres dispositions de la CIPIH soient intégrées. Un certain nombre de délégations, y compris celles de l’Union européenne, de l’Inde, de la Nouvelle Zélande, de la Norvège et des Etats-Unis, ont fait bon accueil au document du 7 décembre, qui tenait compte des discussions qui ont eu lieu durant la semaine. L’Inde a déclaré que les négociations sur les différentes thématiques devraient commencer ultérieurement. Participation d’experts et d’ONG En plus des représentants des gouvernements officiels, des experts et des représentants d’organisations non gouvernementales (ONG) désignés par l’OMS ont assisté aux discussions. Tout au long de la rencontre, des délégués ont cherché à savoir sur quelle base les experts avaient été sélectionnés et pourquoi la procédure d’accréditation pour les ONG et les organisations intergouvernementales avait été si compliquée. Le 8 décembre, il a été décidé qu’une procédure d’accréditation accélérée serait mise en œuvre pour ce type d’accréditations lors de prochaines réunions du groupe. En effet, une source de l’OMS a confié que l’officialisation des relations avec l’OMS pouvait prendre au moins trois ans. L’Afrique et la Thaïlande prennent les devants Le 6 décembre, deux thématiques particulièrement chères aux pays africains ont été abordées, en plus de six autres éléments préparés par le secrétariat de l’OMS. Les pays africains avaient formulé le souhait que deux problématiques, à savoir le «transfert de technologies pour améliorer la capacité d’innovation» et la «gestion des droits de propriété intellectuelle», soient traitées séparément. Les 5 et 6 décembre, la Thaïlande a littéralement mené le débat sur les droits de propriété intellectuelle et le transfert de technologies. En référence à la remarque humoristique de Monsieur Oldham, qui a comparé les délégués à «des moineaux dans un arbre» (allusion à la dimension de la salle de conférence), le délégué thaï a fait remarquer que «le moineau n’avait pas peur de l’aigle». Fin 2006, la Thaïlande a octroyé une licence obligatoire pour un médicament breveté par le laboratoire pharmaceutique Merck. Suite à cette mesure, Merck a dû baisser de moitié le prix du médicament. Les deux parties doivent se rencontrer fin décembre, d’après un représentant thaï. Parallèlement, l’organisme «Consumer Project on Technology» a écrit une lettre à la Représentante américaine au commerce, Susan Schwab, en date du 12 décembre, demandant au gouvernement américain de «ne pas intervenir par rapport à la décision du gouvernement thaï d’octroyer une licence sur les brevets», faisant remarquer que la Thaïlande n’était pas tenue par l’ADPIC d’engager des négociations préalables avec Merck pour l’octroi d’une licence. Le représentant thaïlandais, Monsieur Tangcharoensathien, a confié à Intellectual Property Watch que son gouvernement avait rencontré cinq pays en développement à New Delhi avant la réunion du groupe de travail afin de comparer les documents de l’OMS avec le rapport de la CIPIH. D’après lui, certains éléments clés n’ont pas été repris dans les documents de l’OMS, délibérément ou non, en particulier en ce qui concerne l’ADPIC. «Notre objectif est de réintégrer ces thématiques dans les discussions, de manière à ce que l’esprit du rapport de la commission soit conservé». Le 5 décembre également, la France a soutenu l’idée d’une mise en commun de brevets et la Finlande, au nom de l’Union européenne, a déclaré qu’elle soutenait en principe l’idée d’un «patent pool» et qu’elle «était ouverte à une discussion sur ce point.» Un délégué français a confié à Intellectual Property Watch que la France, ainsi que les autres pays soutenant l’initiative intergouvernementale pour l’accès aux médicaments UNITAID, était «absolument favorable» à la mise en place d’un mécanisme de regroupement de brevets. A l’occasion d’une réunion qui s’est tenue au mois de novembre, l’OMS a retiré les propositions relatives à la modification des termes de la constitution d’UNITAID en rapport avec la propriété intellectuelle, de manière à éviter toute controverse ou critique qui feraient perdre du temps et des ressources à UNITAID, aux donateurs et à l’OMS. [Pour de plus amples informations, voir www.ip-watch.org, 5 et 7 décembre 2006.] Share this:Click to share on Twitter (Opens in new window)Click to share on LinkedIn (Opens in new window)Click to share on Facebook (Opens in new window)Click to email this to a friend (Opens in new window)Click to print (Opens in new window) Related "Premiers pas d’un plan R&D sur les maladies négligées à l’OMS" by Intellectual Property Watch is licensed under a Creative Commons Attribution-NonCommercial-ShareAlike 4.0 International License.