Le projet de traité de l’OMPI sur la radiodiffusion ravive les désaccords passés 20/09/2006 by William New, Intellectual Property Watch Leave a Comment Share this:Click to share on Twitter (Opens in new window)Click to share on LinkedIn (Opens in new window)Click to share on Facebook (Opens in new window)Click to email this to a friend (Opens in new window)Click to print (Opens in new window)Par William New Le 13 septembre dernier, une proposition visant à négocier un traité pour étendre les droits des organismes de radiodiffusion et de distribution par câble a franchi le cap de l’un des principaux comités de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) en dépit des désaccords qui persistent au sein même du comité. « Le projet de proposition de base [le document sur lequel porteront les négociations] est plein de contradictions », a déclaré Surinder Kumar Arora, Secrétaire du Ministère indien de l’information et des services de radiodiffusion et délégué principal pour les négociations. « Ce document n’est pas prêt pour une conférence diplomatique [car il est] susceptible d’accroître le risque d’échec des négociations. Il faut continuer les délibérations », a-t-il ajouté (une conférence diplomatique est une rencontre formelle de trois semaines qui marque la dernière phase des négociations d’un traité). La recommandation d’engager des négociations décisives sur un traité l’été prochain sera présentée à l’Assemblée générale de l’OMPI, qui se tiendra du 25 septembre au 3 octobre 2006. Les membres de l’OMPI se sont employés pendant près de 10 ans à aplanir les divergences portant sur l’actualisation de la protection des organismes de radiodiffusion au titre du Traité de Rome de 1961. La plupart des gouvernements ont déclaré cette année qu’ils étaient désormais disposés à engager des négociations formelles. Jukka Liedes, Président de longue date du Comité permanent de l’OMPI du droit d’auteur et des droits connexes, a officieusement consulté les membres du Secrétariat de l’OMPI au cours de la réunion qui s’est déroulée du 11 au 13 septembre et a encouragé les gouvernements à se rallier à une forme de consensus, afin d’engager les négociations finales. M. Liedes a déclaré que les divergences persistantes pourraient être aplanies dans le cadre d’une « réunion spéciale » avant la conférence de négociation. Il a été convenu de convoquer un comité préparatoire en janvier, avant la conférence diplomatique qui devrait avoir lieu du 11 juillet au 1er août 2007, et d’organiser une réunion spéciale de deux jours en marge de la réunion préparatoire en vue de préciser les questions en suspens. Il a également été décidé que de nouvelles propositions pourraient être présentées jusqu’à la tenue de la conférence diplomatique. Rita Hayes, Vice-directrice générale de l’OMPI, s’est montrée positive au terme de la réunion. Elle a expliqué aux journalistes que « de toute évidence certaines réserves subsistent », mais que les États membres sont favorables à un traité sur les droits des organismes traditionnels de radiodiffusion et de distribution par câble. Selon Mme Hayes, parmi les principales questions en suspens figurent la durée de la protection, la portée du traité (la diffusion sur le Web et la transmission simultanée en sont actuellement exclues) et la nature des droits qui seront conférés aux radiodiffuseurs. En outre, des gouvernements se sont montrés préoccupés par l’introduction d’une protection des mesures techniques destinées à surveiller la circulation de contenus tels que des œuvres musicales ou cinématographiques, et certains ont suggéré qu’ils préféreraient que la protection au titre du traité se limite explicitement aux droits nécessaires pour lutter contre le piratage des signaux. Les autres préoccupations principales portent notamment sur les responsabilités qui incomberaient aux entreprises technologiques et aux fournisseurs de services de télécommunication, ainsi que sur l’introduction des références aux droits exclusifs des organismes de radiodiffusion pour ce qui est de la retransmission « par quelque moyen que ce soit », y compris sur des réseaux informatiques. « Il s’agit aujourd’hui d’un projet de proposition de base qui reflète les préoccupations de tous les membres », a déclaré Mme Hayes. « C’est précisément ce qu’ils préconisaient », a-t-elle ajouté. Des résultats positifs pour les partisans du traité Selon un communiqué de presse de l’OMPI, Kamil Idris, Directeur général de l’organisation « s’est félicité du résultat positif de cette session ainsi que de la volonté politique dont ont fait preuve les États membres en vue de conclure les négociations ». « L’esprit positif qui a caractérisé ces discussions renforcera le consensus sur ces questions dans les mois qui nous séparent de la conférence diplomatique », a indiqué M. Idris. « Le succès de ce processus dépend de la poursuite de la participation sans exclusive aux délibérations visant à parvenir à un accord équilibré et répondant aux intérêts communs de toutes les parties prenantes », a-t-il ajouté. La réaction des organismes de radiodiffusion, qui se sont prononcés en faveur de mesures pour lutter contre le problème croissant du piratage des signaux et d’autres problèmes, était également positive. Tom Rivers de l’Association des télévisions commerciales en Europe a déclaré : « Le processus a été difficile, mais en définitive nous sommes satisfaits qu’il ait finalement abouti. Nous l’attendions depuis longtemps. » Les autres bénéficiaires potentiels, les organismes de distribution par câble, notamment certains qui possèdent leurs propres contenus tels que News Corp et Time Warner, n’ont pas commenté le résultat de la session. Des représentants de l’industrie de contenu ont appuyé avec circonspection la décision d’engager des négociations, mais se sont gardés d’apporter un soutien inconditionnel au projet de proposition de base. Une « nuée d’incertitudes » planent sur la radiodiffusion L’industrie des États-Unis a joué un rôle important à la réunion, plusieurs représentants de l’industrie des technologies de l’information et de la communication étant présents pour s’opposer au projet. Jeffrey Lawrence, responsable de la politique en matière de contenu et pour la maison numérique chez Intel, a déclaré que ce projet poserait une « nuée de questions de responsabilité ». « Le flou qui existe déjà en matière de brevets et de droits d’auteur régnera aussi sur la radiodiffusion », a déclaré M. Lawrence. Il a estimé que ce traité allait « étouffer l’innovation en suscitant des incertitudes », ajoutant qu’il aurait des répercussions importantes sur Internet, dans la mesure où il pourrait avoir un impact sur les réseaux domestiques et câblés, qui sont perçus comme des éléments décisifs pour l’industrie des technologies de l’information et de la communication. Il a précisé que la circulation de contenu était « la nouvelle application phare » pour l’industrie, appelant les entreprises concernées à « se mobiliser » pour s’opposer à ce projet de traité. Les sociétés Verizon et AT&T figuraient également parmi les opposants au projet à la réunion. Durant la semaine, l’Electronic Frontier Foundation a fait circuler une lettre d’organisations de « podcasting » (ou « baladodiffusion ») dans laquelle elles faisaient part de leurs préoccupations. Du fait de la possibilité de soumettre des propositions jusqu’à la tenue de la conférence diplomatique, il n’est pas exclu que la proposition des États-Unis relative à la diffusion sur le Web ou celle de l’Union européenne sur la transmission simultanée soient réintégrées au projet. Toutefois, plusieurs délégations ont fait savoir que c’était précisément en raison de l’exclusion de la diffusion par le Web qu’elles avaient accepté la convocation de la conférence diplomatique. Il pourrait s’agir du dernier succès de Mme Hayes à l’OMPI. Cette négociatrice habile, qui a su s’habituer à la pugnacité des milieux diplomatiques au cours de sa carrière remarquable au sein de l’OMPI et de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), devrait en effet quitter ses fonctions d’ici la fin de l’année. « La Quatrième dimension » : les opposants ont émis des objections de procédure Plusieurs opposants au projet de traité issus du secteur des technologies de l’information et de la communication et de groupes pour la défense des consommateurs et des libertés civiles ont émis de fortes objections à l’égard du résultat des délibérations. M. Liedes a clos la session à l’heure prévue en partant du principe « qui ne dit mot consent » : la poursuite des délibérations n’était pas possible et l’absence d’objections signifiait qu’un consensus avait été atteint. Mme Hayes a expliqué aux journalistes que cette pratique était courante dans les négociations internationales. L ‘OMPI n’a pas formellement pris position sur le résultat des délibérations, qui sont menées par les États membres. Néanmoins, plusieurs pays clés, notamment l’Inde et les États-Unis, se sont dits préoccupés par la décision d’engager des négociations sur la base d’un texte contenant autant de points litigieux. Certains participants ont quant à eux déclaré que l’opposition des États-Unis et du Japon au processus relatif au plan d’action pour le développement il y a quelques mois avait suffi pour que le Comité notifie à l’Assemblée générale qu’aucun accord n’a pu être conclu. Des groupes industriels et non gouvernementaux qui ont pris part à la réunion n’ont pas eu la possibilité d’apporter leur contribution aux débats engagés durant la semaine. « À mon sens, cela ressemble à un épisode de « La Quatrième dimension », s’est exclamé Thiru Balasubramaniam du Consumer Project on Technology. Et d’ajouter : « Des États membres tels que l’Inde, le Brésil, l’Argentine et les États-Unis se sont dits préoccupés par la décision de poursuivre le processus pour diverses raisons ». Il a fait valoir que le président avait « balayé les objections ». Matthew Schruers de la Computer and Communications Industry Association basée aux États-Unis a déclaré : « Il apparaîtrait qu’en l’absence d’un consensus total, certains points litigieux non résolus ont été renvoyés à l’Assemblée générale ». Plusieurs autres représentants de l’industrie ont signalé qu’ils désapprouvaient ce processus, mais n’étaient pas préparés à faire une déclaration. Gwen Hinze de l’Electronic Frontier Foundation a précisé : « Il était extrêmement décevant que l’on soit si peu au fait des implications politiques importantes du projet de traité sur le secteur de l’innovation et la communauté Internet et qu’aucun débat n’ait été engagé à ce sujet. » Robin Gross de l’organisation IP Justice a quant à lui déclaré : « Nous sommes vraiment préoccupés par l’absence de consensus quant à la décision de convoquer une conférence diplomatique. Il me semble pourtant que l’OMPI est une organisation fondée sur le principe de consensus. Si des points de vue divergents sont exprimés, nous ne poursuivons pas la procédure tant que ces divergences ne sont pas aplanies. Au moins huit délégations ont fait part de leurs préoccupations. Je me demande bien ce que le mot « consensus » signifie ». Ce n’est pas la première fois que la façon dont M. Liedes dirige les débats est remise en cause. À la réunion du comité de novembre 2004 qui a porté sur ce même projet de traité, certains gouvernements ont critiqué la décision de M. Liedes de clore la session après avoir demandé un vote à main levée et suggéré que dorénavant un quasi-consensus suffirait pour poursuivre la procédure, alors même que les décisions à l’OMPI sont prises par consensus. Share this:Click to share on Twitter (Opens in new window)Click to share on LinkedIn (Opens in new window)Click to share on Facebook (Opens in new window)Click to email this to a friend (Opens in new window)Click to print (Opens in new window) Related "Le projet de traité de l’OMPI sur la radiodiffusion ravive les désaccords passés" by Intellectual Property Watch is licensed under a Creative Commons Attribution-NonCommercial-ShareAlike 4.0 International License.