Négociations laborieuses pour le Plan de travail du Comité de l’OMPI sur les savoirs traditionnels et les ressources génétiques 24/05/2006 by William New, Intellectual Property Watch Leave a Comment Share this:Click to share on Twitter (Opens in new window)Click to share on LinkedIn (Opens in new window)Click to share on Facebook (Opens in new window)Click to email this to a friend (Opens in new window)Click to print (Opens in new window)Par William New et Tove Iren S. Gerhardsen Les négociateurs chargés d’examiner les propositions relatives à la protection des savoirs traditionnels, des expressions culturelles traditionnelles (folklore) et des ressources génétiques se sont achoppés à la question de savoir s’il fallait ou non débattre d’un éventuel texte juridiquement contraignant avant d’avoir terminé les travaux sur les objectifs de politique générale et les principes fondamentaux. Le Comité intergouvernemental de la propriété intellectuelle relative aux ressources génétiques, aux savoirs traditionnels et au folklore (IGC) se réunira à nouveau du 4 au 12 décembre 2006, au moment où il entamera la seconde moitié de son mandat de deux ans. Des observations sur les travaux du Comité pourront être soumises par écrit jusqu’au 31 juillet prochain. Il semblerait que la session d’avril dernier soit la dernière réunion à Genève pour M. Dominic Keating, délégué principal du Département américain du commerce. Il devrait en effet prendre la tête d’un nouvel office de propriété intellectuelle à New Delhi (Inde) dans les semaines à venir, selon certaines sources. Dans le cadre de la réunion qui s’est tenue du 24 au 28 avril 2006, les pays développés, y compris le Canada, l’Union européenne, le Japon et les États-Unis, se sont heurtés à la détermination des pays en développement, menés par l’Afrique du Sud (au nom de tous les pays d’Afrique), le Brésil et l’Inde, qui tentent de faire progresser les débats sur des questions de fond. Au terme d’une semaine de négociations, le Comité a dû prolonger ses délibérations dans la nuit du dernier jour, pour aplanir des divergences qui ont bien failli déboucher sur une impasse. Les représentants ont finalement adopté une décision sur les expressions culturelles traditionnelles ou expressions du folklore, selon laquelle : « Le comité a pris note des nombreuses observations formulées à propos du contenu du document WIPO/GRTKF/IC/9/4 et du fait que plusieurs délégations ont indiqué qu’elles présenteraient des observations par écrit au Secrétariat. Il a été convenu que la question des actions ultérieures serait traitée dans le cadre du point 11 de l’ordre du jour (Travaux futurs). » Le Comité a également examiné le contenu d’autres documents, mais les débats se sont essentiellement concentrés sur le document 9/4 et sur un document similaire (WIPO/GRTKF/IC/9/5) relatif aux savoirs traditionnels. Un projet de texte élaboré par le Secrétariat a été présenté vers la fin de la session. Il suggérait que le Comité avait mené des « débats importants » sur les ressources génétiques, alors que ce dernier a consacré la majeure partie de la semaine aux questions liées aux savoirs traditionnels et au folklore (dont le projet du Secrétariat ne fait que prendre « note »), selon certains observateurs. En outre, le projet du Secrétariat contenait des éléments importants sur les ressources génétiques : il demandait par exemple au Secrétariat d’explorer les questions relatives à la création d’une ou de plusieurs bases de données sur les ressources génétiques pour l’examen des brevets. Ces éléments n’ont toutefois pas été retenus, après que plusieurs délégations ont fait valoir qu’ils ne reflétaient pas avec précision les débats engagés durant la semaine. Le point de l’ordre du jour relatif aux travaux futurs du Comité a été la principale pierre d’achoppement dans ces négociations. Les membres du Comité sont convenus de soumettre par écrit leurs observations sur les savoirs traditionnels et le folklore d’ici au 31 juillet et de prolonger la durée de la prochaine session de l’IGC à sept jours ouvrables. En revanche, ils étaient profondément divisés sur la question de savoir si les observations écrites devaient être intégrées au document existant ou recueillies dans un document distinct. La volonté du Brésil, de l’Afrique du Sud et d’autres pays d’inclure dans les négociations les questions liées aux savoirs traditionnels et à la biodiversité, en vue d’aboutir à un instrument juridiquement contraignant pour la protection de ces domaines, était au cœur des débats. D’autres pays, notamment le Japon et les États-Unis, refusent catégoriquement d’aborder ces questions avant d’avoir clos les débats sur les objectifs et principes, qui devraient, selon eux, jeter les fondements des futures négociations. Lien malencontreux avec des débats engagés à l’OMC ; échec du SCP ? Plusieurs observateurs ont affirmé que l’une des raisons pour lesquelles le Canada et les États-Unis insistent pour que la question des ressources génétiques ne soit pas explicitement exclue des travaux futurs du Comité tient au fait qu’ils peuvent ainsi mettre un frein aux négociations engagées à ce sujet à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en prétextant que cette question est traitée au sein d’un autre organe. Un représentant canadien a contesté cette affirmation, tandis qu’un délégué américain a reconnu qu’un lien existait entre les différentes instances et que les travaux du Comité de l’OMPI sont une source d’informations utiles pour d’autres organes, tout en précisant qu’il ne s’agissait aucunement d’une démarche stratégique. Selon certaines sources, l’échec des négociations sur le programme de travail que les pays développés s’efforcent d’obtenir pour le Comité permanent de l’OMPI sur le droit des brevets (SCP) (voir article correspondant) est un élément sous-jacent qui pourrait avoir envenimé les débats au sein de l’IGC. Un observateur a comparé la situation à une compétition sportive, dans laquelle les pays développés et les pays en développement sont maintenant ex-æquo et doivent encore disputer deux matchs (le premier sur la proposition de traité sur la protection des organismes de radiodiffusion, soutenue par certains pays développés, et le second sur l’établissement d’un plan d’action de l’OMPI pour le développement, préconisé par certains pays en développement). Un représentant de premier plan d’un pays en développement a toutefois qualifié les résultats des négociations de l’IGC de « raisonnables », tout en soulignant que le Comité a encore pour mandat d’examiner toutes les questions qui se posent, y compris celles qui pourraient mener à l’élaboration d’un instrument juridiquement contraignant. Plus tôt dans la semaine, les représentants ont approuvé la création d’un Fonds de contributions volontaires pour les communautés autochtones et locales. Quelques minutes avant la fin de la réunion, le Comité est parvenu à un consensus suffisamment ample pour poursuivre les négociations. M. I Gusti Agung Wesaka Puja (ambassadeur indonésien), qui a présidé la session, a indiqué que le groupe semblait voir « la fin du tunnel ». « À moins que ce ne soit le train », a-t-il ajouté. Un représentant officiel d’un pays en développement a expliqué au début de la semaine qu’il était dans l’intérêt de l’OMPI que le Comité poursuive les négociations, car la participation des communautés autochtones et locales aux travaux de l’OMPI donne une image positive de l’Organisation. Il a toutefois précisé que si les travaux du Comité n’aboutissaient pas à des changements d’ordre juridique, ils n’auraient pas d’impact réel pour ces communautés. Selon un observateur, certains craignent que le Comité reste un cercle de discussions dépourvu d’utilité pratique. Le Pérou a affirmé dans son allocution d’ouverture qu’une majorité des voix au sein de l’IGC semblaient reconnaître la nécessité d’élaborer un instrument juridique pour protéger les savoirs traditionnels. Le représentant péruvien a enjoint aux délégués qui estimaient encore qu’il était « prématuré » d’aborder des questions de fond de « reconsidérer leur position ». Une proposition de la Norvège inspire à la fois enthousiasme et scepticisme Une nouvelle proposition de la Norvège (WIPO/GRTKF/IC/9/12) portant sur la protection des savoirs traditionnels et des expressions culturelles traditionnelles (folklore), et non sur les ressources génétiques, était le principal sujet de discussion des délégations au début de la semaine, dans la mesure où elle offrait un compromis susceptible de faire progresser les négociations. Cette proposition met en exergue le désaccord qui persiste depuis longtemps sur la nécessité d’élaborer un instrument juridiquement contraignant. À cet égard, elle recommande au Comité de se concentrer sur des éléments susceptibles de donner lieu à un consensus plutôt que de poursuivre l’examen de questions sur lesquelles il existe un désaccord. Elle suggère par exemple de donner la priorité aux objectifs et principes fondamentaux et préconise l’adoption d’une déclaration de haut niveau. La proposition de la Norvège prévoit également d’utiliser l’article 10bis (contre la concurrence déloyale) de la Convention de Paris (sur les droits fondamentaux attachés aux brevets et aux marques) adoptée en 1883, en tant que texte de référence pour l’élaboration d’un nouvel instrument qui assure une protection contre « l’appropriation illicite et l’utilisation déloyale des savoirs traditionnels ». Selon la délégation norvégienne, cela pourrait permettre d’intégrer les principes de consentement préalable et de partage des avantages. La Norvège a en outre informé le Comité qu’elle présenterait dans un document distinct une proposition sur la divulgation de l’origine dans les demandes de brevet. Un représentant des États-Unis a déclaré que la plupart des pays développés du Groupe B semblent généralement favorables aux différents éléments de la proposition norvégienne, notamment aux principes et objectifs. Il a toutefois précisé qu’une analyse plus détaillée de l’article 10bis serait nécessaire. Du côté des pays en développement, certains ont affirmé que les pays développés soutiennent depuis longtemps les principes et objectifs, et que la proposition norvégienne risque de déboucher sur des résultats moins significatifs que ceux escomptés par les pays en développement, à moins que toutes les questions ne soient traitées ensemble. Dans son allocution, le Groupe africain a déclaré que tout en examinant les questions relatives aux objectifs de politique générale et aux principes fondamentaux, le Comité devrait veiller à ce que ses travaux aboutissent à l’élaboration d’un instrument international juridiquement contraignant. Dans son allocution d’ouverture, le Groupe des pays d’Asie a évité d’utiliser l’expression « juridiquement contraignant », signe des divergences qui persistent encore au sein du Groupe. Il a précisé que « le groupe est préoccupé par le phénomène du biopiratage et par l’appropriation illicite des savoirs traditionnels et du folklore ». Et d’ajouter : « Le groupe a le sentiment que l’IGC devrait, dans le cadre de son mandat, adopter une approche globale et intégrée pour faciliter des discussions constructives en vue de faire progresser les questions relatives aux ressources génétiques, au consentement préalable et au partage des avantages ». La Thaïlande, coordonnateur du Groupe des pays d’Asie, aurait quant à elle adopté une position plus tranchée, en demandant l’élaboration à l’OMPI d’un instrument international juridiquement contraignant. La plupart des membres du Groupe des pays d’Asie se seraient ralliés au point de vue de la Thaïlande. L’Indonésie, qui a présidé la session du Comité, se serait aussi prononcée en faveur d’un texte juridiquement contraignant. Le Japon, le Pérou et l’Afrique du Sud ont également soumis des propositions. Le document présenté par le Pérou le 27 février 2006 (WIPO/GRTKF/IC/9/10) est le même que celui qu’il a soumis, en octobre 2005, au Conseil de l’OMC chargé d’administrer l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC). Il s’intitule : « Analyse de cas éventuels de piratage biologique ». Le Pérou a précisé que ce document ne contenait rien de nouveau et qu’il l’avait présenté au Comité pour « être cohérent et donner un exemple » de ce qu’il considère comme du biopiratage. La proposition de l’Afrique du Sud traite de la politique des systèmes de savoirs autochtones (WIPO/GRTKF/IC/9/11). Elle établit que cette politique « est un cadre qui permet de stimuler et de renforcer la contribution des savoirs autochtones au développement économique et social de l’Afrique du Sud ». Un représentant japonais a déclaré à Intellectual Property Watch que la proposition de sa délégation donnait un exemple de principes directeurs pour l’accès aux ressources génétiques et le partage des avantages découlant de leur utilisation. Ces principes auraient été définis par une organisation non gouvernementale. Le délégué japonais a précisé que ce document suggère notamment de créer une base de données relative aux ressources génétiques à l’OMPI. Un entretien avec M. Graham Dutfield, professeur au Queen Mary College of the University of London, sur les questions débattues à l’IGC est disponible sous la rubrique « Inside Views » du site www.ip-watch.org. 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