L’Assemblée mondiale de la santé devra repenser le cadre mondial pour la R&D et la propriété intellectuelle 15/05/2006 by Tove Iren S. Gerhardsen for Intellectual Property Watch Leave a Comment Share this:Click to share on Twitter (Opens in new window)Click to share on LinkedIn (Opens in new window)Click to share on Facebook (Opens in new window)Click to email this to a friend (Opens in new window)Click to print (Opens in new window)Par Tove Iren S. Gerhardsen Du 22 au 27 mai 2006, l’Assemblée mondiale de la santé se penchera sur des propositions visant à apporter des changements substantiels au régime mondial de recherche-développement, et sur les mesures à adopter en matière de droits de propriété intellectuelle pour améliorer l’accès des pays en développement aux médicaments. Le 28 avril dernier, un comité représentant le Conseil exécutif de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a ajouté de nouvelles recommandations à un projet de résolution sur la base d’un récent rapport de l’OMS sur la propriété intellectuelle. La plupart de ces recommandations ont été formulées par des pays en développement, notamment le Kenya. Le Brésil a également présenté des propositions, qui préconisent l’introduction de références aux flexibilités prévues par le droit commercial international et pouvant être invoquées pour « promouvoir l’accès de tous aux médicaments ». Cependant, le comité n’a finalement pas débattu de ces propositions. La version révisée du projet intègre certaines propositions du rapport, qui devraient vraisemblablement renforcer le contenu de la première version et élargir sa portée. Toutefois, bon nombre de ces nouvelles propositions figurent entre crochets, signe qu’elles provoquent encore des divergences. La première version du projet de résolution a été élaborée par le Secrétariat de l’OMS à partir d’un rapport publié le 3 avril dernier par la Commission sur les droits de propriété intellectuelle, l’innovation et la santé publique (CIPIH) (IPW, Vol. 3, No. 4). La Commission n’ayant pas réussi à finaliser son rapport pour la réunion du Conseil exécutif de l’OMS qui s’est tenue du 23 au 27 janvier 2006, il a été décidé qu’une résolution serait élaborée sur la base des recommandations contenues dans le rapport et qu’un groupe restreint, constitué de deux représentants de chacune des six régions définies par l’OMS, se réunirait avant l’Assemblée, afin de prendre connaissance du rapport, selon un porte-parole de l’organisation. Le projet de résolution élaboré par l’OMS avant la réunion du groupe portait essentiellement sur l’une des 50 recommandations contenues dans le rapport, à savoir la définition d’un plan d’action mondial en matière de propriété intellectuelle et de médicaments, notamment en rapport avec les maladies qui touchent de manière disproportionnée les pays en développement. Ce projet a été envoyé aux États membres une semaine avant la réunion du 28 avril, durant laquelle le groupe des représentants des six régions de l’OMS devait en débattre. Selon un observateur, les douze membres représentaient respectivement l’Australie, le Bhoutan, le Brésil, le Canada, l’Islande, le Japon, le Kenya, Madagascar, le Pakistan, le Portugal, le Soudan et la Thaïlande. Un certain nombre de représentants d’autres États membres de l’OMS ont également assisté à cette réunion. « C’est une sorte de « mini-conseil exécutif » », a déclaré un porte-parole de l’OMS. Selon un membre de l’OMS, la version révisée du projet sera soumise à l’Assemblée pour décision, de même que le rapport de la réunion. La première partie de la version révisée du projet, le préambule, figure entre crochets, puisqu’elle n’a pas été examinée dans le cadre de la réunion. Le projet s’intitule désormais : « Draft resolution, Public health, innovation and intellectual property rights [: a plan of action] » (Projet de résolution, santé publique, innovation et droits de propriété intellectuelle [: un plan d’action]). Parmi les changements apportés au projet figurent trois propositions du Kenya visant à intégrer davantage d’éléments du rapport de la CIPIH. Les deux extraits suivants, en lien avec l’Accord de l’OMC sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC), ont été introduits entre crochets à la suite de la formule « demande instamment aux États membres » : [« d’utiliser pleinement les flexibilités ménagées dans l’Accord de l’OMC sur les ADPIC et reconnues par la Déclaration sur l’Accord sur les ADPIC et la santé publique adoptée à la Conférence ministérielle de Doha, pour protéger la santé publique »] et [« de veiller à ce que les accords de commerce bilatéraux ne cherchent pas à imposer des protections ADPIC-plus susceptibles de réduire l’accès aux médicaments dans les pays en développement »]. La version révisée du projet demande au Directeur général de constituer un groupe de travail intergouvernemental en vue d’élaborer une stratégie mondiale et un plan d’action. Si les douze États membres représentés à la réunion sont parvenus à un accord à ce sujet, ils n’ont toutefois pas décidé s’il s’agirait d’un organe à composition non limitée ou d’un organe représentatif des six régions de l’OMS et à composition restreinte. Le groupe de travail aura pour mandat d’étudier les recommandations du rapport et en particulier les moyens de lutter contre les maladies qui touchent de manière disproportionnée les pays en développement. La troisième proposition du Kenya demande au Directeur général de rendre compte des progrès réalisés dans l’élaboration de la stratégie mondiale et du plan d’action à la 60ème Assemblée mondiale de la santé, et de soumettre une version finale dudit plan à la 61ème Assemblée. L’Assemblée qui se tiendra en mai prochain sera la 59ème. Enfin, il est demandé au Directeur général de publier une mise à jour périodique d’un rapport sur les activités de recherche-développement fondées sur la santé publique pour le secteur pharmaceutique. Les propositions du Brésil sont jointes à la version révisée du projet. L’une d’entre elles reprend la formulation d’une déclaration ministérielle de l’OMC, en soulignant que l’Accord sur les ADPIC « ne devrait pas empêcher les Membres de prendre des mesures pour protéger la santé publique ». La deuxième proposition fait référence à un article de l’Accord qui met en exergue la nécessité d’assurer un équilibre de droits et d’obligations. Dans sa troisième proposition, le Brésil suggère d’engager des consultations sur une convention-cadre en matière de recherche-développement et d’innovation en santé publique. La nouvelle résolution formulée à partir du rapport de la CIPIH indique que les États membres sont conscients du fardeau de plus en plus lourd et des maladies qui accablent de manière disproportionnée les pays en développement, et des possibilités qu’offrent les avancées réalisées dans le domaine des sciences biomédicales. La nouvelle résolution établit en outre que si les droits de propriété intellectuelle ont des effets incitatifs importants, ils ne sont néanmoins pas suffisamment efficaces pour le développement de nouveaux produits destinés à lutter contre les maladies dans les régions où le marché potentiel est limité et incertain. La CIPIH a été créée en vertu de la résolution WHA56.27, qui demandait au Directeur général « d’établir le mandat d’un organe approprié de durée limitée pour recueillir des données et des propositions auprès des différents acteurs concernés et publier une analyse des droits de propriété intellectuelle, de l’innovation et de la santé publique ». La CIPIH était composée de 10 experts. Le processus Mme Ruth Dreifuss, qui présidait la CIPIH, a déclaré à Intellectual Property Watch que la Commission était arrivée au terme de ses travaux et qu’il incombait désormais aux États membres de poursuivre les discussions sur la résolution. Mme Dreifuss a également précisé que le rapport avait suscité « des réactions très positives dans l’ensemble ». Toutefois, certains délégués se sont dits déçus par la teneur des recommandations de la Commission. La présidente de la Commission a expliqué que le rapport définissait des domaines dans lesquels des mesures devaient être prises et que certains délégués auraient souhaité qu’il précise davantage quels types de mesures devraient être envisagées. Néanmoins, Mme Dreifuss a fait valoir que le rapport contenait également des propositions spécifiques, notamment celle qui se rapporte aux flexibilités ménagées par l’Accord sur les ADPIC et que le Kenya avait suggéré d’intégrer à la résolution. L’esprit de la résolution du Brésil et du Kenya Selon certains participants, le projet de résolution sur la mise en place d’un cadre mondial pour les activités de recherche-développement essentielles en santé, présenté par le Brésil et le Kenya au Conseil exécutif de l’OMS en janvier dernier et transmis à l’Assemblée mondiale de la santé, n’aurait pas été examiné dans le cadre de cette réunion (IPW, Vol. 3, No. 2). Un représentant kényen a expliqué à Intellectual Property Watch que les deux résolutions ne se recoupaient pas complètement, puisque celle du Kenya et du Brésil était plus spécifique que celle de la CIPIH et qu’il s’agissait en quelque sorte d’une « sous-résolution ». Il a ajouté que le Kenya souhaitait simplement que « l’esprit » de sa résolution soit conservé, quelle que soit la décision de l’Assemblée. Un représentant d’un pays développé a néanmoins fait savoir qu’il doutait que suffisamment d’États membres se rallieraient à l’idée de fusionner la résolution de la CIPIH avec le projet du Brésil et du Kenya. Un représentant d’un autre pays développé a prédit que les deux résolutions relatives à la propriété intellectuelle figureraient parmi les points les plus importants de l’ordre du jour de l’Assemblée mondiale de la santé. MSF lance un appel à l’action sur la base du rapport de la CIPIH Avant la réunion, Médecins Sans Frontières (MSF) a enjoint aux États membres de débattre du rapport de la CIPIH et de veiller à ce que « l’analyse proposée dans ce rapport sur l’impact de la propriété intellectuelle sur l’accès aux médicaments soit suivie d’effets et que des mesures décisives soient prises sur la base de ses conclusions et recommandations.” MSF a par ailleurs déclaré que le rapport « prouve à bien des égards » que le régime actuel de développement de médicaments est « fondamentalement inadéquat ». L’organisation non gouvernementale a affirmé : « […] le rapport aboutit à la conclusion que la propriété intellectuelle n’est pas à même de stimuler l’innovation pour lutter contre la plupart des maladies qui touchent les pays en développement, là où les patients ont un pouvoir d’achat limité ». Les groupes de l’industrie pharmaceutique contestent, quant à eux, cette affirmation. MSF a également témoigné son soutien au projet de résolution sur les activités de R&D proposé par le Brésil et le Kenya, arguant qu’« un des moyens les plus directs de garantir que les travaux de la CIPIH seront suivis d’effets concrets » serait que les gouvernements et l’OMS s’engagent à promouvoir cette résolution. Share this:Click to share on Twitter (Opens in new window)Click to share on LinkedIn (Opens in new window)Click to share on Facebook (Opens in new window)Click to email this to a friend (Opens in new window)Click to print (Opens in new window) Related "L’Assemblée mondiale de la santé devra repenser le cadre mondial pour la R&D et la propriété intellectuelle" by Intellectual Property Watch is licensed under a Creative Commons Attribution-NonCommercial-ShareAlike 4.0 International License.